Sont-ce réellement des nouvelles ? Ou ne seraient-ce point des petites histoires mises bout à bout, avec toujours le même narrateur, ses potes Joseph et Eyup, Verboten le prof d'allemand, la grand-mère Fernande, les parties de rire, les vacances à la campagne, les premières boums et le trafic clandestin de DVD olé-olé ? Oui, c'est exactement ça. Un condensé d'adolescence en crise, en panique, en délire. C'est drôle, parfois non. Cela vous met face à des situations qui sentent le vécu, qui rappellent des doux souvenirs, qui ne vous inspirent rien du tout ou qui vous donnent le bourdon ou le sourire aux lèvres.
Au choix, j'ai préféré la deuxième option.
Mais, même si les histoires se suivent, elles donnent un sentiment de liberté, d'impertinence et d'impatience. Besoin de passer le cap, de changer de vitesse ou de faire marche arrière. Avec Visnia, l'immigrée roumaine, qui est sapée comme un as de pîque, qui s'exprime mal en français, qui est gaffeuse, brouillonne, la cible des moqueries, notre garçon se rend compte, bien malgré lui, qu'il est tombé fou amoureux d'elle. Qu'il ne sait pas comment lui avouer, qu'il ne sait pas non plus s'il se sent capable de l'assumer, et si enfin ce n'est pas trop tard pour se faire pardonner ses erreurs. "Il n'y a pas que quand on est triste qu'on pleure."
Cette petite phrase m'a fait penser qu'on n'était pas toujours dans la rigolade, qu'on pouvait s'éclater entre copains à manger des frites et à regarder des versions détournées de Tintin et les oranges bleues, il y avait aussi la vie à côté, la vie qui vous tord le ventre parce que, non nous ne sommes plus des enfants, nous ne sommes pas encore des adultes, nous sommes dans l'entre-deux, et c'est drôlement délicat.
"Je suis un ado. Le genre de bestiole toujours à l'affût derrière une porte, en apnée au fond d'une piscine, en équilibre perché sur le toit du garage, vautré à la fenêtre, flasque et étendu sur son lit la tête pendue dans le vide. Je suis l'animal roi d'une jungle qui pue la chaussette."
L'adolescence dans toute sa superbe ! Beaucoup de vérités et quelques nuances plus tard, on a le sentiment de n'avoir pas trouvé le mode d'emploi non plus, mais on s'y rapproche, car "le pire n'est jamais décevant quand on fait l'effort de s'adapter" ou alors "le temps passé est perdu pour toujours".
Qu'on se le dise !
Quelle mouche nous pique ? - Hervé Giraud
Ed. Thierry Magnier (2010) - 185 pages - 9,80€