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Réforme des retraites : et les régimes particuliers ?

Publié le 25 octobre 2010 par Hmoreigne

 Si le projet de réforme est globalement ressenti comme injuste, il est paradoxal que ceux qui en sont le fer de lance puissent être légitimement considérés comme des “privilégiés”. Une situation qui confirme la nécessité d’une remise à plat de l’ensemble d’un systéme dont les sédimentations successives ont conduit à des situations disparates et injustes au profit des catégories professionnelles en position de force.

Comme le rappelle Michel Dreyfus, spécialiste de l’histoire sociale, les origines des régimes de retraite remontent au XVIIe siècle où un premier dispositif est mis en place pour les marins du roi par Colbert. Par la suite éclosent au compte-goutte quelques systèmes de retraite vieillesse accordés à quelques professions en raison de leur situation particulière.

Les mineurs tout d’abord. Non par générosité mais par nécessité, les entreprises minières pour attirer et retenir une main-d’oeuvre qualifiée mais aussi volatile, sont contraintes d’offrir des avantages sociaux spécifiques. Il en sera de même pour les chemins de fer en raison des impératifs de sécurité puis, avant 1914, des électriciens et des gaziers qui déjà par la possibilité de faire grève, disposent d’un fort moyen de pression.

C’est d’Allemagne que viendra un modèle de régime général qui sera repris dans toute l’Europe sauf en France, pays essentiellement rural. Outre-Rhin, le gouvernement Bismarck adopte dès la fin du XIX éme siècle, un système de caisses, largement gérées par les syndicats.

En France, la paternité du premier projet de retraite vieillesse revient à un député de la Creuse. Ce n’est pas un hasard. Issu d’un département où les paysans sont contraints par la misère à s’exiler comme maçons, Martin Nadaud, ancien maçon lui-même, dépose sans succès, une proposition de loi en 1880.

Il faudra cependant attendre 1910 pour que soient instaurées les Retraites ouvrières et paysannes mais qui ne visent que les salariés les plus modestes et 1930 pour voir émerger un régime général d’assurance, incluant vieillesse et maladie. Pour autant, les régimes spéciaux ne sont pas intégrés aux assurances sociales. Etrangement, c’est le régime de Vichy qui imposera un système de répartition après avoir tiré les conclusions de la fragilité du système par capitalisation au regard notamment de l’inflation.

1945 marque un tournant. La Sécurité sociale se substitue aux Assurances sociales notamment dans sa volonté de prendre en charge la population française dans sa totalité. Un gros bémol toutefois, trois secteurs clé bastions de la CGT, la SNCF, EDF-GDF et les Charbonnages de France, préfèrent conserver leur régime particulier, plus avantageux.

Le ver est dans le fruit. Le principe d’une couverture sociale identique universelle est mort-né. Il ne sera jamais réactivé. Derrière les grandes affirmations de solidarité se cachent de nombreux acquis sectoriels défendus bec et ongles par les bénéficiaires. Des régimes spéciaux étrangement épargnés par le gouvernement.

Le régime des parlementaires, souvent mis en avant, ne constitue que la partie émergée de l’iceberg. Illustration concrète avec la convention collective de l’industrie du pétrole qui prévoit un départ anticipé à raison d’un mois d’anticipation par année de travail, dans la limite de 36 ans d’activité pour les travailleurs postés en continu. En clair, tout salarié, de l’ouvrier à l’ingénieur, appartenant à une équipe qui tourne par rotation 24 heures sur 24. La plupart des dispositifs des groupes pétroliers sont toutefois plus favorables, comme chez Total et Esso avec un départ possible jusqu’à 5 ans avant l’âge légal.

Ainsi, en vertu d’un accord interne à Total, les personnels ayant plus de vingt-cinq ans d’ancienneté en travail posté ont la possibilité de prendre leur retraite à taux plein avec cinq ans d’avance sur l’échéance légale. Cela veut dire que ceux qui cumulent assez d’annuités à 60 ans peuvent partir dès 55.

En reculant l’âge du départ à taux plein à 62, cela veut dire qu’un salarié posté partira à 57 au lieu de 55″, explique Jean-Michel Maton, délégué syndical central CFDT chez Total.

Le délégué syndical fait observer que le travail posté est particulièrement difficile et que les raffineurs échappent aux dispositions de la loi concernant la pénibilité mais omet de relever que les salariés postés des raffineries ne travaillent en moyenne que cent quatre-vingt-quatre jours par an, soit à peine plus d’un jour sur deux.

Si Total a assuré que les mesures pour son personnel demeureraient, avec cependant un départ décalé de 55 à 57 ans, du fait du report de l’âge légal de 60 à 62 ans, la CGT chimie craint la disparition pure et simple de ces régimes spéciaux.

Autre point stratégique de blocage et bastion de la CGT : les ports. Les dockers du port de Marseille-Fos. “Nous voulons pouvoir partir cinq ans avant l’âge légal. Cela vaut pour l’ensemble de la filière manutention“, résume Daniel Manca, le secrétaire général des dockers CGT des bassins de Marseille. Des dockers d’autant plus déterminés qu’ils ont pris note de l’assurance, donnée aux marins de la SNCM et de la CMN par Jean-Louis Borloo et Éric Woerth, que l’actuelle réforme des retraites ne remettra pas en cause leur régime particulier…

Source : CAES magazine n° 67 • avril - mai - juin 2003. Brève histoire des régimes de retraite- Michel Dreyfus -


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