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Le Château du dragon, de Mankiewicz - portrait de l'aristocrate en nihiliste

Par Timotheegerardin
Le Château du dragon, de Mankiewicz - portrait de l'aristocrate en nihiliste
Il y aurait une étude à faire (qui existe peut-être déjà), sur le regard que porte Mankiewicz à toute forme d’aristocratie, et à ce qui la sépare du reste de l’humanité. Dans L’Affaire Cicéron, le valet James Mason essayait en vain de subvertir l’ordre aristocratique de la haute diplomatie (1), se heurtant à la vitre des apparences et voyant s’envoler ses ambitions comme autant de billets sans valeur. Dans Le Château du Dragon, son premier film, le rapport est inversé, au sens où l’aristocratie n’est qu’un effrayant lieu de solitude, résumé par la tour dans laquelle le personnage de Vincent Price se retire, et qui vient buter contre l’ordre démocratique. Contre le peuple des familles pieuses, des belles femmes (Gene Tierney !) et des médecins humanistes.
A partir de cette anamorphose du Patroon (propriétaire terrien de père en fils), Mankiewicz fait un véritable portait de l’aristocrate en nihiliste : hautain, athée, placide… La tour du château se dresse verticale sur un monde d’apparences, de rituels et de transmission par le sang. Dépendant à la drogue, mais surtout accroc à la nihiline (pour reprendre l’expression du maître en la matière), l’aristocrate méprise toute vie qui ne soit pas donnée par lui, tout sang qui ne fût pas le sien. Voilà quel vide habite ces grands décors gothiques, sombres et verticaux, voilà ce qui glace le personnage de Gene Tierney.
Cinématographique par excellence, ce personnage est en quelque sorte un vampire, le surnaturel en moins. Là encore il y aurait bien des choses à dire sur le transfert moderne du vampire au zombie : le vampire – monstre aristocratique et solitaire – contre le zombie – monstre démocratique et visage de la foule.
NOTE:
(1) Mais j’y pense, voici encore (après l’article de Dr Orlof et celui de Joachim Lepastier dans les Cahiers) un pont entre l’univers de Mankiewicz et le récent The Social network, de Fincher : Mark Zuckerberg s’emploie lui aussi, à travers son entreprise, à pirater les usages des clubs d’Harvard pour en faire un phénomène universel.

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