VOUS ALLEZ RENCONTRER UN BEL ET SOMBRE INCONNU de Woody Allen

C’est toujours avec un plaisir particulier que l’on se rend voir le dernier Woody Allen, toujours en terrain familier (air de jazz, générique rétro, morceaux d’opéra, et dissertation sur le sens de l’existence), toujours prêt à recevoir une leçon de vie douce amère, bordée du cynisme légendaire du cinéaste. You Will Meet a Tall Dark Stranger, 46ème long métrage de Woody Allen, suit la famille Shepridge à Londres (nouvel eldorado filmique du réalisateur), chaque personnage étant l’occasion pour Allen de se moquer à nouveau des certitudes et autres absurdités des choses. D’emblée shakespearien, en citant l’auteur à l’ouverture, Allen concocte un programme savoureux, mi tragique mi comique, où les protagonistes ne sont, comme à l’accoutumée, que des figures symboliques de l’humain- vecteurs et pantins qui servent à ses interrogations sur la nature de l’homme. Soit le père vieillissant (Hopkins, amusant), qui refuse l’immuable course du temps et préfère se mentir dans les bras d’une jeune blonde superficielle plutôt que d’assumer son âge. La mère, paumée, qui préfère à la réalité d’une solitude, se réfugier dans le verbiage doux et facile d’une voyante de pacotille. La fille, mariée, qui n’ose affronter l’échec de son couple et de sa vie de sa femme (Naomi Watts). Le beau fils, plagiaire et infidèle, se vautrant dans le mensonge au lieu de se battre contre lui-même et les autres. Tous ici, dans un portrait de groupe plein de méchanceté et de fatalisme, sont les jouets d’un hasard. Selon Allen, pas de destin ni de futur prévisible, mais une succession de choix et d’insensé qui ne mène nulle part sinon à l’échec programmé de toutes ambitions et de toutes réussites. Tous ici, préfèrent le confort de l’illusion à l’âpre réalité du vide et du non sens. Rejoignant par là des thématiques qu’il a déjà explorées récemment sur Match Point ou Whatever works, Allen réaffirme sa sombre vision de la vie, dans un chassé croisé amoureux cruel où l’infidélité et le mensonge règnent en maîtres, vestiges de ses idéaux perdus, quelque part entre désabusement et nihilisme.