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« Vénus noire »

Par Sheumas

   Beau sujet que les cas tératologiques et la fascination abjecte que la populace ressent devant les monstres de foire exhibés par un sinistre impressario... J’avais aimé « l’Homme qui rit », ce grimacier effroyable décrit par Hugo, j’avais aimé « Elephant man », cet « être humain » que la foule prenait pour « un animal ».

   Le nouveau film de Kéchiche ouvre le rideau sur cette atroce histoire de la Vénus Hottentote, Africaine aux formes hypertrophiées venue en Europe pour exercer ses talents de danseuse, de chanteuse et de musicienne, dotée d’un physique exceptionnel. Mais elle choque aussitôt, parce qu’elle est noire et disporportionnée. Elle est immédiatement étiquetée par ses « montreurs d’ours » comme « phénomène de foire ». Elle ne rapporte beaucoup d’argent qu’à condition de se laisser dresser.

   Il y avait dans cet apologue matière à réflexion sur la barbarie et la bêtise humaine toujours avide d’ausculter « les autres » avec le regard hautain du Civilisé. Dès les premières images du film c’est Cuvier, ce spécialiste en tératologie (science des monstres) qui donne la leçon, exhibe et commente les parties génitales du « phénomène ». Les bons élèves écoutent, examinent, commentent. Cette impression désagréable de voyeurisme consentant ne quitte pas le spectateur tout au long du film. 2h39 de corps, de chair, de fesses, d’alcool et de tripotage.

   Entraîné dans un spectacle grotesque, la malheureuse actrice, qui ne dit pas trois mots et qui s’enveloppe dans une tenue digne du déguisement de Mrs Doubtfire, est visiblement pour le réalisateur « objet cinématographique », et, en tant que telle, tout au long de ces longues 159 minutes, elle est livrée au sarcasme, au mépris, à l’abjection.

     Démuni face aux jeux de caméras appuyés sur les gros plans, les grosses fesses, les gros seins, démuni face aux skectches réitérés de la Vénus donnée à repaître au public de Londres, puis de Paris, dans les cabarets où piaffe la canaille, dans les salons mondains où les nobles viennent s’encanailler, le spectateur se trouve malgré lui complice. Complice d’un « voyage autour du globe » de la malheureuse, dont la rotation ne s’arrêtera enfin que sur un insupportable effet de bouclage... A l’épilogue, les scientifiques la tiennent enfin. Vénus est morte. Ils dissèquent (explosion d’étoiles !) les parties génitales de Vénus. Et le malheureux mont de Vénus retrouve enfin le bocal (et l’écran) du prologue.

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