Armistead Maupin, sur plus de trente ans, a réussi l'exploit de captiver ses lecteurs grâce aux pétillants habitants du 28, Barbary Lane. De la fin des années 70, l'on passe aux années 80. Désormais John Lennon est mort, et Lady Di épouse le prince Charles, mais San Francisco reste la même. Nos héros, eux, ont bien évolués en trois ans : Mona est partie pour Seattle, Michael s'est séparé de Jon, et, contre toute attente, Mary Ann, désormais animatrice d'une petite émission de télé, sort avec Brian, qui semble avoir enfin conquis "la pimbêche de Cleveland". Un saut dans le futur surprenant, et des héros qui sont maintenant trentenaires font de ce troisième tome un roman tout aussi intéressant que les deux premiers, car il permet de ne pas s'enfoncer dans une routine.
L'on retrouve cependant avec plaisir les éléments qui ont déjà séduits dans les premiers tomes : des aventures farfelues, voire tirées par les cheveux, des personnages attachants, des dialogues savoureux. Les personnages prennent un tournant différent : Mary Ann a désormais une carrière et de l'ambition et Brian semble avoir enfin envie de se poser. Couple apparemment improbable, ils étonnent cependant le lecteur par leur stabilité. Pourquoi pas, après tout?
Michael reste ce romantique indécrottable qui ne sait pas vraiment ce qu'il veut : le lecteur se désole de sa rupture avec le beau gynécologue Jon, et soupire de dépit à chaque fois que Michael se montre contradictoire. En effet, celui-ci ne semble pas encore tout à fait mature, voulant le beurre et l'argent du beurre (le romantisme, et les histoires d'une nuit). Mais le lecteur le regarde d'un air indulgent, car au fond, Michael reste notre personnage préféré, le plus attachant, celui qu'on voudrait avoir comme ami et voisin de palier. Lorsqu'il est victime d'une attaque homophobe, l'on est choqué et furieux à l'idée que des gens puissent s'en prendre à un garçon aussi adorable à cause de son orientation sexuelle. C'est révoltant mais malheureusement représentatif des attaques que subissait et peut encore subir aujourd'hui la communauté homosexuelle . Et ça, c'est vraiment moche.
L'on assiste encore au va-et-vient des personnages : de nouveaux apparaissent, d'anciens reviennent, certains partent. Certains, comme Prue, sont assez crispants. D'autres, comme Jones, étaient intéressants bien qu'effrayants. L'on déplore le départ de Mona, absente pendant tout le livre, ce qui est vraiment dommage car elle faisait vraiment partie de la "famille" de Barbary Lane.
Finalement, l'on s'attache de plus en plus aux personnages, et surtout à San Francisco, et l'on attend avec impatience l'occasion de se plonger dans le quatrième tome, Babycakes. Avis aux amateurs, Armistead Maupin sort ce mois-ci un autre tome de la série, intitulé "Mary Ann in autumn". Des années 70 du début de la série, on passe aux années 2000. Je ne suis pas sûre que cela vaille les premiers tomes. Avec l'action se passant de nos jours, la série a-t-elle encore de l'intérêt? Nous verrons.