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Château Rouge d'Abd Al Malik : Le poids des mots, le choc des (nouveaux) tempos.

Publié le 05 novembre 2010 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

chateau rouge

Difficile de se renouveler quand on enchaine les albums à succès. Pas facile de continuer à surprendre encore et à séduire un nouveau public. Abd Al Malik qui n'a cessé d'accumuler les récompenses depuis ses débuts (chevalier des arts et des lettres, prix Edgar Faure 2010, multiples victoires de la musique, prix de l'académie Charles Cros, prix Constantin...) ose avec son quatrième album, Château Rouge, un virage artistique audacieux.

Son style était jusque là facilement reconnaissable : textes forts, récités ou chantés, souvent introspectifs, phrasé incomparable, intensité d'interprétation remarquable. Il y a chez cet homme là une puissance maitrisée qui transparait, d'autant plus fascinante qu'elle contraste fortement avec la sensibilité qui se dégage de ses textes, souvent graves, souvent poignants. Son talent : Susciter l'empathie comme peu d'autres en sont capables à force de mots soigneusement agencés pour raconter comme personne les tourments intimes de ses contemporains  mais aussi mettre en exergue leurs travers honteux.

Dans ce nouvel album, réalisé par Chilly Gonzales, Abd Al Malik surprend. Le canadien apporte une touche de légèreté sur de nombreux morceaux avec ses sonorités électro-pop dont il a le secret (merveilleuses sur Valentin et la plupart des titres de cet opus mais pas toujours aussi heureuses , quand il me semble notamment qu'ils font perdre de l'intensité à sa voix (Néon)), titres rythmés qu'on a vraiment hâte d'entendre sur scène. Cette collaboration est une vraie bonne surprise et sera sans doute aussi l'occasion pour lui de toucher un public plus large.

Les arrangements de Château Rouge sont extraordinairement riches. A côté de la dominante électro, les rythmes africains viennent souvent réveiller les arrières plans (We are still kings, Ground Zero, Ma jolie, Dynamo) et signer un album qui, s'il est l'expression d'un renouveau souhaité, s'inscrit aussi dans la continuité de ceux qui l'ont précédé pour ce qui est de la puissance d'évocation des textes. L'introspection reste là, qu'il s'agisse d'une plongée dans les souvenirs personnels ( Valentin-une petite merveille, ode à un parent qui a combattu pour la paix, Dynamo) ou des angoisses de celui qui a grandi et mûri mais ne cesse de douter de lui  (Néon) et de croquer ceux qui l'entourent à coup de portraits incisifs (Miss America).

La force d'Abd Al Malik a toujours été de savoir toucher au coeur sans tomber dans le larmoyant. Il confirme ici son statut de maitre des mots qui jongle avec nos émotions avec une dextérité qui éblouit toujours.

Abd Al Malik ose s'offrir de nouveaux horizons, aller au delà de son registre habituel pour tenter de créer, encore et toujours et de donner une nouvelle dimension à son art. On aurait pu craindre que l'artiste ne se perde dans l'univers de Gonzales en s'y laissant noyer mais il a su tirer profit de cette collaboration pour donner une nouvelle couleur  à sa musique sans renier ce qu'il est et qui a fait jusque là son succès. On ne peut que s'incliner devant l'association magistrale de ces deux là.

L'album contient aussi de nombreuses participations :  Certaines, familiales, avec des "habitués" :  Wallen (sa compagne) et Bilal (son frère),  mais aussi des collaborations inédites avec Papa Wemba , Cockbullkid ou encore Ezra Koenig (Vampire Weekend).

Abd Al Malik ose avec cet album prendre un virage artistique qui s'avère être une réussite. Château rouge évoquait jusque là une station de métro qui débouchait  sur un petit bout d'Afrique à Paris. C'est aussi ce qui va sans doute s'imposer comme un des albums majeurs d'un des plus grands lyricistes français.

Mon top 3 :

Château Rouge : Un peu plus de 12 minutes pour ce morceau qui clot l'album sur une bouffée d'émotions livrée sur un fond musical  épuré (piano).

Ma jolie : Pour le contraste saisissant entre le texte grave et la mélodie dansante.

Valentin : Pour l'hommage familial servi sur un rythme syncopé au rendu hypnotique.

Merci à Anthony A. (Barclay)


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