Il est des albums qui commencent par la fin, sans éclats prétentieux, avec ce genre de morceau-requiem éthéré et un peu mélancolique qu’on a plutôt l’habitude d’entendre en conclusion. Quelques notes d’orgue, un tambourin léger pour marquer les temps et une vibration électrique sournoise. En revanche, le talent, lui, est déjà bien perceptible. Il faut dire que le C.V. de la petite Frankie Rose est plutôt bien garni : en plus d’un patronyme délicieusement suranné - enfin aux Etats-Unis hein, en France, Frankie sonne plutôt comme le prénom du pilier du PMU du coin -, la belle a officié en temps que batteuse au sein des Vivian Girls, des Crystal Stilts et des Dum Dum Girls - rien de moins - mais jamais assez longtemps pour en être considérée comme un membre à part entière. Après avoir butiné chez ses consoeurs ce que la scène indé féminine new-yorkaise a fait de mieux, l’électron libre s’est finalement décidé à poser ses valises, mais dans un groupe bien à elle. Dans sa nouvelle bande de copines, The Outs, c’est elle qui tient la guitare et le devant de la scène. Sachant qu’elle était l’auteur du hit des Vivian Girls Where Do You Run To, on ne doutait pas un seul instant qu’elle en eût les épaules.
Les sceptiques en auront néanmoins la confirmation avec le premier album éponyme du combo, paru début octobre chez Slumberland (Crystal Stilts - tiens donc -, The Pains Of Being Pure At Heart…). Petit bijou de pop garage lo-fi, l’opus épate par la sobriété et la richesse de ses harmonies évanescentes. Mieux produit que la plupart de ses équivalents, Frankie Rose And The Outs ne cherche pas à camoufler de la mauvaise pop sous des couches de réverb’ et de disto crachottante. Frankie a au contraire le songwriting bien aiguisé et maîtrise aussi bien la douce élégie à l’écho cathédralesque (Save Me, Lullaby For Roads And Miles) que la comptine punk à l’élan country (Must Be Nice). Au rayon influences, elle cite Brian Wilson et Phil Spector, mais le tube Candy, dont le riff de guitare évoque Nirvana et le clip rappelle Miss World de Hole, révèle aussi des affinités plus 90’s. Rien de honteux au programme puisque le quatuor a même le bon goût de reprendre l’austère You Can Make Me Feel Bad d’Arthur Russell. Un rapide coup d’oeil à cette session acoustique dépouillée enregistrée pour The Trip Wire suffit à convaincre de la justesse des intentions de Frankie Rose And The Outs : trois notes à la basse, trois voix et c’est tout - l’admirable sainte Trinité de la pop.
Bon, bien sûr, si les Dum Dum Girls vous donnent des boutons, passez vite votre chemin. Cependant, si ce n’est que le lo-fi à outrance qui vous agace, Frankie Rose a toutes les chances de vous séduire. De toute façon, on ne se fait pas trop de souci en général pour les groupes de filles tatouées et court-vêtues adoubées par Pitchfork, surtout quand elles ont la chance d’être si douées. Bas-résilles et guitares électriques ont toujours fait bon ménage dans nos oreilles.
Frankie Rose And The Outs seront en concert le 28 novembre au Sonic (Lyon) et le 8 décembre au Point Ephémère (Paris).
Audio
Frankie Rose And The Outs - Must Be Nice
Vidéo
Tracklist
Frankie Rose And The Outs - Frankie Rose And The Outs (Slumberland, 2010)
1. Hollow Life
2. Candy
3. Little Brown Haired Girls
4. Lullaby For Roads And Miles
5. That’s What People Told Me
6. Memo
7. Must Be Nice
8. Girlfriend Island
9. You Can Make Me Feel Bad
10. Don’t Tread
11. Save Me
12. Moon Torpedo (Bonus Track)