Homo sapiens ecologicus

Cl. I. RambaudL'homme urbanisé n'aime rien tant que humer l'air de la campagne, sans y vivre ; visiter le Salon de l'agriculture, sans pouvoir supporter l'odeur du fumier ; cultiver ses jardinières, sans admettre les vers de terre. Bref il admire les étoiles, mais fait un procès au premier coq venu.Sans complexe, il affecte donc de détester la chasse (ça saigne, les pauvres animaux, c'est cruel ! etc...) mais s'adonne à la "cueillette"... qu'on lui a gentiment préparée : brouettes, gants, pelles et sécateurs, tout est là pour lui donner l'illusion qu'il revient aux sources du "made by myself", le fait-main avec un minimum de labeur et beaucoup de satisfaction personnelle.A la caisse, les légumes sont peut-être un peu plus chers qu'au supermarché, mais au moins "on sait d'où ils viennent". Ces dames vont donc en escarpins se baisser parce que "la terre est basse" à moins qu'à la saison, les fraises "à hauteur" ne leur évitent le lumbago. Mais au moins, "c'est frais".
Le succès des cueillettes est là : dans la suppression des intermédiaires. Fini l'ouvrier agricole qui ramasse, fini le transporteur qui transporte, fini l'étalagiste qui expose. Et tout ça en France avec des poires locales, des poireaux locaux,  des producteurs locaux. On ne va pas chercher plus loin.Pourtant , il y a mieux : les paniers  qui vous sont préparés par des petits producteurs associatifs, pratiquant parfois la réinsertion, et qui, moyennant un abonnement, vous procurent des légumes toutes l'année et en prime l'assurance de soutenir régulièrement une oeuvre bio-solidaire-écologique face aux grands groupes, grâce aux Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne (AMAP).La cueillette  se limite à venir chercher son panier chaque semaine. Mais c'est déjà ça.
Un mélange subtil de paléolithique ancestral, de socialisme agricole, de défense des valeurs du terroir et des métiers en voie de disparition, d'économie solidaire.
Attention, l'homo sapiens ecologicus est peut-être en train de naître.
S'il pouvait se multiplier !Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !