Littéralement stupéfait, c'est la première impression que j'ai ressenti lorsque j'ai écouté Château Rouge, ce quatrième album de Abd Al Malik réalisé par Chilly Gonzales. Alors Chilly Gonzales, ou Gonzales, c'est un incroyable auteur-compositeur-musicien électro canadien, collaborateur de Jane Birkin, Feist, le fou gentil Philippe Katerine ou encore Arielle Dombasle, et accessoirement détenteur du record du monde du plus long concert en tenant 27 heures et 3 minutes au piano.
Comme beaucoup d'autres rappeurs dits littéraires et experts en lettres (Oxmo, Solaar...), Abd Al Malik avait rapproché le rap avec la chanson française, les chansons à texte par le biais du Slam, qu'il a vulgarisé avec Grand Corps Malade, en ajoutant une mise en scène sonore (cette discipline hip-hop est je le rappelle strictement acapella). Mais ça ne suffit plus pour évoluer, il faut regarder d'autres horizons comme l'a fait Disiz la Peste en devenant Peter Punk. Le MC strasbourgeois, lui, a préféré s'illustrer dans un registre électro-pop.

L'élévation stylistique d'Abd Al Malik ne s'arrête pas à cette première moitié électro-pop en majorité, il repousse davantage ses limites et les frontières dans la seconde. Et là, on ne peut qu'écouter sans trop savoir quoi penser. Il n'y a pas que le morceau ska notamment (« SyndiSKAliste ») mais c'est quelque chose d'entendre Abd Al Malik speaking in english in ze text wiz ze frenchy accent sur « We Are Still Kings » et « Ground Zéro » (avec Papa Wemba)... déjà que Château Rouge contient déjà des refrains en anglais. Pour ce qui est de purement rap dessus, se référer au couplet de Matteo Falkone sur « Neon ».
Son ouverture musicale s'est considérablement élargie en s'unissant avec l'univers de Gonzales. Château Rouge est pour le moins un pari hyper risqué, des gens y adhéreront, d'autres salueront la prise de risque et apprécieront l'album à sa juste valeur avec ses qualités et ses défauts, et le reste critiqueront amèrement son auteur. Abd Al Malik est devenu un artiste "inettiquettable", plus... Universal.