Quel est le point commun entre : The End of Evangelion - Kare Kano (Entre elle et lui) - Battle Royale (le film) - Yellow Submarine (Beatles) - Seven (David Fincher) - Collatéral (Michael Mann) - Halloween (Rob Zombie) - After Hours (Martin Scorcese) - L'Espion qui m'aimait (James Bond) ?
Tous ces animes ou films ont utilisé le célebrissime Air (ou aria) de Bach, ou plutôt l'Air extrait de la 3ème Suite pour orchestre, de Jean-Sébastien Bach. On retrouve aussi cette musique dans bien d'autres films, séries, génériques d'émissions TV, jeux vidéo (comme Flight Simulator ou Gran Turismo), publicités (les fabuleuses pubs pour les cigares Hamlet)... Pas mal pour une oeuvre composée il y a près de trois cent ans...
Dans The End of Evangelion, l'utilisation de cet extrait a pour but de souligner, par contraste avec son calme et sa tranquillité, la violence du moment (scènes en parallèle : le combat d'Asuka contre les Evas de série, et la mort de Ritsuko, dans un dernier face à face avec Gendo et Rei au Central Dogma). Elle répond également aux autres utilisations de la musique baroque dans l'anime, que ce soit le prélude pour violoncelle de Bach joué par Shinji, ou le canon de Pachelbel où Asuka tient le second violon. Pas sûr que Bach avait cela à l'esprit quand il a composé sa musique...
A l'origine, cet Air est issu d"une suite de danses, composée par Bach pour une formation d'orchestre, et destinée à être jouée à la cour des riches mécènes aristocrates dont il souhaitait obtenir les faveurs (financières). Il s'agit précisément de la troisième suite orchestrale, sur un ensemble de quatre. Les quatre suites pour orchestre se composent chacune de plusieurs danses galantes (gavottes, sarabandes, forlanes, menuets, gigues) dans une même tonalité, pour un effectif réduit d'instruments à vent, à cordes, avec une basse continue (un clavecin).
Cette forme musicale était très à la mode à l'époque baroque (c'est-à-dire surtout vers la fin du 17ème siècle et jusqu'à la moitié du 18ème) et constitue une sorte de transition entre, d'une part, les anciennes musiques de bal de la Renaissance, et d'autre part, la forme symphonique définitivement adoptée au début de l'époque classique (fin 18ème, grosso modo à l'époque de Mozart). La suite de danses, comme forme musicale, a continué à être utilisée par les compositeurs jusqu'à l'époque moderne, notamment par Ravel, Debussy, Stravinsky ou Profokiev, surtout pour des musiques de ballet destinées à être jouées en concert.
Comme je l'ai dit, il s'agit de danses, donc de morceaux qui s'enchaînent dans le but de faire danser l'auditoire. Par contre, le fameux Air de la Troisième suite n'a pas grand chose d'une danse, par sa lenteur, sa sérénité et son calme. En fait, il s'agit d'une pause musicale, qui suit l'ouverture (majestueuse) et qui précède les danses proprement dites : deux gavottes, une bourrée (mais si!) et une gigue. L'air se compose d'une mélodie exposée par les violons, d'abord avec une longue note soutenue, tandis que la basse continue (le clavecin) joue en contrepoint une marche lente et obstinée, ce qui crée cette impression de promenade, aux mouvements lents et réguliers, propices à la la réflexion, à l'observation, voire à la rêverie.
L'Air de la de la Troisième suite pour orchestre de Bach est devenu mondialement célèbre du fait qu'il s'agit de la toute première oeuvre de Bach à être enregistrée sur disque, dès... 1902, dans une adaptation pour violon et piano. Sa popularité provient des nombreux arrangements qui en ont été faits, notamment en jazz, mais aussi plus tard en pop-rock (notamment par Procol Harum, John Cale, Yngwie Malmsteen...).
Depuis les années 80, les cigares anglais "Hamlet" sont devenus célèbres grâce à des spots de pubs absolument hilarants, très british, toujours accompagnés par cette musique. L'idée (que l'on retrouve dans les films et les anime que je cite plus haut) est de créer un contraste entre une situation dramatique (ou comique), et la totale sérénité qui se dégage de la musique... Pour le plaisir, voici un montage des meilleures pubs Hamlet, toutes avec l'Air de Bach...
Au disque, il existe de très nombreux enregistrements de cet air, seul ou avec toute la suite orchestrale, et il serait vain de tous les citer. D'ailleurs, toutes ne présentent pas le même intérêt. Je citerai donc cette fois seulement la b.o. The End of Evangelion, l'air est arrangé pour orchestre par le compositeur, Shiro Sagisu. Une discographie sera développée dans un futur dossier "musique classique et Evangelion".
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