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It's a free world

Par Luc24

Ken Loach est de retour et il n'a rien perdu de sa férocité. Prix du scénario à la dernière Mostra de Venise, It's a free world permet au cinéaste de se repencher sur ce qu'il fait de mieux : du bon cinéma social. On embarque ?

La critique  

Un film impitoyable, un portrait de garce diablement jouissif

Angie (sublime Kierston Wareing) est une mère célibataire particulièrement dynamique qui travaille pour une agence d'interim. Parfois, elle abuse des immigrés et leur propose des conditions de travail peu décentes. Elle s'en fiche : elle est au dessus d'eux et n'est pas dans une situation aussi précaire que la leur. Sauf que voilà, du jour au lendemain, notre charmante blonde se fait licenciée. Dur à avaler pour cette battante. Elle ne baisse pas les bras et décide de créer sa propre agence d'interim en compagnie de son amie et colocataire Rose. Problème : elles n'ont pas les fonds nécessaires pour avoir leurs propres locaux. Mais attention, rien n'arrête la tornade Angie. La miss s'achète une moto, ose la tenue 100 % cuir et part à l'assaut de clients et de main d'oeuvre. A force de détermination, elle parvient à gagner la confiance de tous et à faire tourner son business. Pas de locaux, des réunions complètement à l'arrache dans une cour, des immigrés payés au plus bas prix...Angie et Rose avancent, parfois avec culpabilité, vers la route de leur rêve. Les semaines passent, l'argent tombe mais petit à petit Angie perd le sens des réalités. Prête à tout pour gagner encore et encore plus d'argent, elle en arrive à exploiter des sans papiers. Plus de limites, plus d'empathie...Et si à force de se moquer des autres Angie finissait par être rattrapée par le destin ?

Bye Bye le SMIC...

Disons-le de suite : It's a free world est un des portraits de femmes les plus jouissifs que l'on ait pu voir ces dernières années. Kierston Wareing est tout simplement magistrale : il faut la voir dans son costume de garce bikeuse pour y croire. Ken Loach tire le portrait d'une femme terriblement égoiste et manipulatrice et réussit l'exploit de la rendre drôle et attachante. Et pourtant elle ne manque pas de défauts. Toujours fourrée dans les mauvais plans, Angie ne se laisse pourtant jamais abattre. Le problème c'est qu'elle n'utilise pas à bon escient ses capacités. Elle est typiquement le genre de femmes à toujours choisir le mauvais chemin. Au début on se dit qu'elle prend d'étroites routes car elle n'a pas le choix, mais plus le temps passe et plus sa cruauté ressort. Aveuglée par son désir de réussite, elle en oublie tout : son fils qu'elle fait garder par son père et qu'elle ne voit presque jamais, les situations extrêmements difficiles dans lesquelles se trouvent les immigrés qu'elle fait travailler comme des esclaves, elle oublie même volontière toutes les lois et les conseils de ses proches.

Ce qui est admirable dans ce film, c'est que Ken Loach ne lâche jamais rien. Au bout d'un moment on a même carrément l'impression qu'il se fiche de rendre l'ambivalente Angie attachante. Car elle est complètement "no limit". Le scénario nous confronte ainsi à des situations de plus en plus rudes, de plus en plus cruelles. La victoire totale du libéralisme, l'individualisme dans ce qu'il a de plus abject. Le propos est passionnant et le rythme du film ne faiblit jamais. Les dialogues , les situations, les personnages : rien n'est laissé au hasard, tout sonne juste et les directions que prend le récit sont d'autant plus choquantes. Portrait d'une Angleterre impitoyable où travailler comme des esclaves est devenu une chance pour certaines minorités , It's a free world déborde de cynisme. Pour Angie, ses employés ne sont plus que des esclaves, des bouts de viande (scène où elle et son amie décide de se faire un petit immigré pour bien terminer la soirée) , des robots...On règle leur sort sans état d'âme, en quelques secondes. Mais forcément, à force d'abus, Angie va voir la chance se retourner contre elle. Car à un moment elle aura encore l'occasion de choisir entre la bonne et la mauvaise route, sans question de survie. La suite, elle l'aura méritée...Véritable cercle vicieux, sa situation ne laissera guère d'espoir ni pour elle ni pour tous ces pauvres gens qui rêvent de l'Europe. Brillant, sans concessions, formidablement écrit et interpreté : ce nouvel opus est une totale réussite !

 

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