VIII
J’ai mis la main dans la main de la Mort
Il fallait bien fallait bien fallait bien
Depuis ce jour c’est moi que la Mort tient
Fort par la main par la main par la mainJ’ai mis la main dans la main de la Mort
Mais je la tiens autant qu’elle me tient
Et ses doigts d’os craquent entre les miens
Quand je m’endors m’endors m’endors m’endorsÔ belle Mort quand nous unit la nuit
Je vois tes yeux à mes yeux qui ressemblent
Et plus qu’à moi comme le cœur te tremble
Quand nous dormons toutes les deux ensembleÔ belle Nuit belle Nuit belle Nuit
Je vois tes dents à mes dents qui ressemblent
Et de nous deux laquelle plus fort tremble
Et de nous deux laquelle l’autre fuitDepuis toujours attendant la relève
Tu t’en allais blanche et noire ma Nuit
Prête toujours à celle qui te suit
D’abandonner ta faux contre son rêveTu t’en allais blanche et noire portant
Ce faix promis à la reine suivante
Tu t’en allais et qu’il pleuve ou qu’il vente
Tu me cherchais dans la couleur du tempsBien me voici tu vas dormir ma chère
À ton chevet je vais tenir ta faux
Et que mes doigts abandonnent s’il faut
À tes doigts d’os cette chair de ma chairComme jamais s’il ne fût de moi mort
C’est lui mon cœur qui tremble entre mes doigts
C’est lui c’est lui que je veille et non toi
Mon seul amour mon unique remords
Aragon, Les Adieux et autres poèmes, dans Œuvres poétiques complètes, tome II, sous la direction d’Olivier Barbarant, Pléiade, 2007 (Stock, 1997), p. 1170.
Contribution de Tristan Hordé
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