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My Dear Enemy n'est pas passé par la case régime au FFCF 2010

Par Tred @limpossibleblog
My Dear Enemy n'est pas passé par la case régime au FFCF 2010Mercredi soir se jouait le seul film de la compétition longs-métrages du Festival Franco-Coréen du Film 2010 dont j’avais entendu parler. My dear enemy. Et apparemment je n’étais pas le seul, car la salle 1 de l’Action Christine affichait un beau taux de remplissage pour l’occasion. Cela fait plaisir après avoir côtoyé une quinzaine de spectateurs tout au plus lors des deux séances précédentes. Il faut dire que le film compte en son rang deux des plus grandes stars du cinéma coréen actuel, Jeon Do Yeon et Ha Jeong Woo, soit en plus deux comédiens qui sont bien connus des spectateurs français. La première n’a rien moins que remporté le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 2007 pour Secret Sunshine de Lee Chang Dong et était encore à l’affiche il y a deux mois de The Housemaid.
Ha Jeong-Woo, quant à lui, s’est distingué sur les écrans français chez Kim Ki Duk (Dream et Souffle) et surtout chez Na Hong Jin, dans le remarquable The Chaser (le tueur, c’était lui). Le succès gigantesque du sympathique Take Off l’année dernière en a fait une star incontestable en Corée du Sud. On ne peut donc s’étonner que la projection de My Dear Enemy mercredi soir ait été tant courue par le public parisien. Passé la joie de voir le quatrième film de Lee Yoon-Ki sur grand écran, il m’a pourtant bien fallu redescendre sur Terre et faire le constat de ce qu’est My dear enemy : un film malade. Il souffre d’un mal qui pourtant n’était pas incurable et aurait pu être traité avec efficacité si son créateur avait constaté les symptômes qui lui sont à l’évidence passé sous le nez.
Cette maladie c’est la longueur. My dear enemy dure plus de deux heures quand il aurait dû, aurait pu ne durer qu’1h40. C’est dommage car il ne s’agit vraiment pas là d’un mauvais film. Celui-ci fourmille au contraire de qualités, mais celles-ci sont noyées dans le surplus. Lee Yoon-Ki n’a pas osé tailler dans le gras sur la table de montage, et en faisant cela il a plus ou moins gâché son bon film.My Dear Enemy n'est pas passé par la case régime au FFCF 2010Revenons un peu en arrière. Hee-su et Byung-woon ont vécu ensemble. Mais voilà un an que le jeune homme a pris la tangente après avoir emprunté 3 millions de wons à sa compagne. Alors en ce samedi, Hee-su a décidé de venir réclamer son dû à Byung-Woon qui, fauché, va faire le tour de la ville pour emprunter par-ci par-là des sommes d’argent à des proches et des moins proches (uniquement des femmes) pour rembourser Hee-su, laquelle est bien décidée à coller aux basques de son ex tant qu’il ne lui aura pas rendu jusqu’au dernier centime.
L’idée n’est pas mauvaise, d’autant que My dear enemy offre bien plus que ce qu’un tel synopsis pourrait apporter dans nombre de films. La première des qualités de l’œuvre est la finesse de la relation dépeinte entre les deux protagonistes. Lee Yoon-Ki a la bonne idée de ne pas dévoiler ses personnages d’un seul coup. Il les peint par petites touches, elle rigide et triste, lui bon enfant et conciliant. Ces masques que le cinéaste leur donne ne restent pas figés, sans pour autant changer de couleur d’une scène à l’autre. Il les affine sans les bouleverser. Elle a de bonnes raisons de se fermer, mais semble capable de s’ouvrir. Il a beau être séducteur et positif, l’ombre du doute passe sur lui, à travers les personnages que l’on croise en route et qui portent un regard attendrissant mais triste sur Byung-Woon.
L’autre belle qualité du film, c’est sa propension à utiliser sa structure de road-movie urbain et de confrontation permanente pour dresser un portrait de la société coréenne. Le machisme latent (Byung-Woon a beau avoir disparu avec l’argent de Hee-su un an plus tôt, on lui reproche à elle d’avoir prêté de l’argent et de se montrer si déterminée), le rapport de force inégal dans le mariage (une scène en restaurant avec un couple d’amis ), l’importance de l’honneur quelle que soit sa condition (une femme élevant seule sa fille avec difficulté préférant prêter de l’argent précieux plutôt que de passer pour quelqu’un qui ne tient pas ses promesses)… Les différentes étapes du voyage aux quatre coins de Seoul est l’occasion pour le réalisateur de poser le doigt sur des caractéristiques singulières de la société.
My Dear Enemy n'est pas passé par la case régime au FFCF 2010Quel dommage. Quel dommage que le film s’étende sur plus de deux heures. Quel dommage qu’il s’encombre de séquences répétitives ou peu essentielles qui empêchent My dear enemy de trouver un tempo, une rythmique loin des ralentissements et coups de mou qui l’émaillent. Quel dommage que ces impressions de balade jazzy et avertie dans les rues de Seoul ne durent jamais assez à cause de scènes s’intercalant avec pour effet de plomber la cohérence de l’œuvre. Le film est bien écrit, la mise en scène collant au réalisme de la ville ne souffre pas de défaut, et le personnage masculin principal est remarquablement peint. Mais il y a un manque cruel de lucidité sur le montage.Bien sûr il y a eu quelques problèmes techniques qui ont accompagné la projection, n’aidant pas à se plonger pleinement dans le film, avec des sous-titres souvent mal synchronisés et créant parfois trop de luminosité dans la salle (et je ne vous parle même pas de l’italien assis derrière moi m’ayant amplement labouré le dos avec ses jambes sans comprendre pourquoi je me tournais tout le temps vers lui…). Mais le vrai problème n’était pas là.
Quel dommage. My dear enemy aurait pu être un film brillant dont on n’aurait perçu que la finesse, le trouble, la joie et la vie qui s’en dégage. Sa santé resplendissante aurait certainement rayonné sur le Festival Franco-Coréen du Film. Mais le diagnostique arrive trop tard, et le film restera malade à jamais.

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