RUNNING WITH SCISSORS (Courir avec des ciseaux) de Ryan Murphy (2007)

Etrange film que ce Running with scissors, adaptation cinématographique de l’autobiographie éponyme d’Augusten Burroughs, soit le récit de l’enfance torturée d’un jeune américain- perdu et tiraillé entre les humeurs dépressives d’une mère bipolaire, d’un père alcoolique et d’une famille d’adoption décalée, folledingue, monstrueuse. Le parti pris du réalisateur suit la volonté assumée de l’auteur : rire, se moquer, se détacher du drame- dans tout ce qu’il a de plus noir (pédophilie, abandon, drogues, homosexualité)- pour ne garder que la lumière et cette force immuable, cette envie inébranlable de survie. D’où un résultat coloré, léger … et déroutant, qui puise dans son portrait de groupes matière à un univers loufoque lorgnant du côté de Wes Anderson. Ryan Murphy se sert des souvenirs personnels du personnage principal (Joseph Cross, excellent) et de son chemin de croix pour atteindre l’adolescence pour dépeindre la société des années 70, société libertaire et en pleine contestation qui s’essayait à de toutes nouvelles mouvances, littéraires, musicales, sexuelles, thérapeutiques. Chaque figure du film (au casting de rêve : Annette Bening, Brian Cox, Gwyneth Paltrow et Evan Rachel Wood en tête) se transforme alors en bonne occasion pour creuser un mode de pensée qui se voulait sans tabou et sans barrière, qui promettait rêves de gloire et beaux lendemains. En soignant sans cesse le décalage certain entre le fond (glauque et sombre) et la forme (enlevée et ludique), Ryan Murphy s’amuse des paradoxes de toute une époque, et, offre au vrai Augusten Burroughs (que l’on aperçoit, amusé, lors du générique de fin) l’opportunité rêvée d’exorciser, dans une tragédie comique et hystérique, les affreux démons du passé.