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se mefier de son style

Par Jmlire

se mefier de son style" La litterature, c'est toujours mettre la langue à l'épreuve de toutes ses forces : comment on décrit un champignon atomique, comment une tranchée, etc. Sans tomber dans le cliché. Le cliché est toujours là : tout a déja été écrit, il y a toujours une façon préprogrammée de décrire les choses, une écriture déja là et c'est très difficile d'en sortir. Il me semble que l'écrivain  a deux choses à faire :  éviter le cliché qui vient facilement avec la narration d'autant qu'elle aborde des sujets éculés ( adultère, déchéance familiale, etc, ) qui charrient un corpus de textes, d'expressions toutes faites ; et se méfier de son style. Ça c'est terrible : pour un premier livre, tu mets au point une écriture très personnelle. Elle fonctionne au deuxième livre, mais un peu moins. Parce qu'il faut que l'écriture bouge si tu conçois bien sûr chaque livre comme un objet, une machine différente. Sinon l'écriture devient un style et tu te parodies toi-même. C'est le paradoxe de l'écrivain : il se battit une écriture, mais après il doit se battre contre elle. Tous les écrivains le sentent quand ils commencent à se parodier. Ils abordent une scène, une réflexion, et à l'avance ils savent comment ils vont l'écrire, comment ça va fonctionner. C'est un peu embêtant, parce qu'au bout d'un moment, l'écriture ne peut plus rien générer. Il faut toujours faire bouger les choses. On n'est pas forcé de changer radicalement de style d'un livre à l'autre, mais il faut se déplacer. Un écrivain comme Patrick Deville, par exemple, a changé du tout au tout en passant des éditions de Minuit aux éditions du Seuil. Il a eu besoin de se renouveler. Le pire ennemi de l'écrivain, c'est son style. Tu n'écris pas pour faire carrière, tu écris pour un livre qui va voyager un peu entre les lecteurs. C'est le livre qui est censé créer des lecteurs, pas l'auteur.... Peut-être que Modiano c'est toujours génial, mais globalement c'est toujours la même voiture et elle commence à être patinée. Ce qui se passe, c'est que l'écrivain commence à se faire une idée mentale de son lectorat et se met à écrire pour lui, inconsciemment. Mais ça fait des censures...

Claro : extrait d'entretien pour Le Matricule des Anges, Septembre 2010

http://www.lmda.net/

http://livres.fluctuat.net/claro.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Claro


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