Festival Franco-Coréen du Film 2010, troisième jour. Mon rythme de croisière semble tout trouvé, m’engouffrant de nouveau à trois reprises dans les salles de l’Action Christine en ce jeudi 11 novembre. Et comme hier, le programme a permis de jongler entre les genres : documentaire musical, drame social et comédie parodique étaient au rendez-vous.
Le premier film de la journée, en fin d’après-midi, attirait des amateurs de rock indé coréen. Sogyumo Acacia Band’s story suit un groupe coréen que peut de mélomanes européens doivent connaître. Personnellement avant de découvrir le film dans le programme du FFCF 2010, je n’en avais jamais entendu parler. Et il apparait assez rapidement qu’apprécier ou non la musique du groupe importe peu, la qualité du documentaire étant bel et bien cinématographique.
Les premières minutes du film présentent un groupe sympathique ressemblant à une bande de potes jouant leur musique dans la joie et la bonne humeur. C’est bon enfant, et on se dit que l’on est parti pour un petit portrait de musiciens sympatoche. Et puis le scénario du film s’affine et s’affirme. Les répétitions et les concerts dans la bonne humeur laissent peu à peu la place à quelque chose de plus réaliste et amer. Tout d’abord les déboires de musiciens ayant du mal à vivre de leur musique. Ils ont trente ans mais ne touchent que quelques centaines d’euros par mois pour vivre, certains vivent encore chez leurs parents, et les incertitudes quant à leur avenir et leur potentiel semblent les hanter.
Le documentaire s’éloigne déjà de ces films ayant pour ligne de faire l’apologie de la liberté artistique et du « C’est bon de faire du rock sans rendre de compte à personne ». En fait de documentaire musical se dessine en filigrane un constat social en toile de fonds. Mais le film ne s’arrête pas là, et creuse encore plus. Peut-être n’étais-ce pas le but à la base, car qui peut savoir comment le sujet de son fil narratif, en documentaire, va évoluer ? Toujours est-il que peu à peu, c’est le mal-être au sein du groupe qui passe au premier plan dans Sogyumo Acacia Band’s story. Les incompatibilités de caractères, les conflits d’ego, les envies et rêves qui divergent…
Ce groupe qui nous semblait sympa, uni et prenant plaisir à jouer ensemble sa musique, révèle alors ses failles. Et à travers ce portrait, c’est une aventure humaine fascinante qui prend forme. Ce n’est plus seulement une histoire de musique, c’est aussi une histoire humaine qui se dessine, au-delà du genre dans lequel on navigue ici. C’est une belle évolution qu’offre le film, ne se reposant jamais, montrant toujours plus, collant au plus près des hommes et femmes qu’il dépeint. Sur le plan musical, c’est également une belle occasion de découvrir l’œuvre de Sogyumo Acacia Band, des chansons un brin naïves mais pleines de charme. Un beau documentaire, maîtrisé et révélateur.
Beau et maîtrisé ne sont en revanche pas des termes que j’emploierais pour définir The Room Nearby, le premier long-métrage de Goh Tae-Jeong, et second film que je voyais jeudi. Confus me semble tout à fait approprié pour commencer. Résumer le film m’apparaît ardu, ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose, pourrait-on se dire. Un film difficile à définir, c’est un film qui a du caractère. Pourtant dans le cas de The room nearby, il ne s’agit pas de cela. La raison en est plus triviale, à savoir que j’ai ramé par moment pendant le film pour bien comprendre tous les tenants et les aboutissants. Pour comprendre les relations entre certains personnages, pour comprendre le passé de chacun.
La protagoniste du film, Eon-Joo, n’est pas satisfaite de sa vie. Elle cherche un appartement pour quitter ce logement minuscule dans lequel elle vit. Elle cherche à s’affirmer dans son travail, professeur à domicile, à travers lequel elle doit faire du porte à porte pour trouver des élèves. Quant à sa vie amoureuse, elle ne sait pas quoi faire de son ami d’enfance qui lui court gentiment après mais qui n’a pas une situation sociale mieux lotie qu’elle. Eon-Joo galère, lorsqu’un jour elle pénètre dans une grande demeure ouverte dans laquelle vit une ajuma veuve et chef d’entreprise, enfermée dans sa solitude depuis le décès de son enfant des années plus tôt.
Il y avait matière à faire quelque chose de bien, probablement, avec ce cadre posé. Le désir de faire un film social est clair, et par bien des aspects The room nearby parvient au moins à pointer du doigts les disparités sociales contemporaines ainsi que cette solitude humaine qui touche indubitablement la société, quelle que soit notre situation sociale. En cela on ne peut que saluer Goh Tae-Jeong.Malheureusement le long-métrage déraille. Peut-être est-ce dû à ce que le film avait été pensé à la base pour être un thriller, comme nous l’a indiqué Pierre Ricadat, qui a présenté le film en préambule. Peut-être. Toujours est-il que le film s’enfonce peu à peu dans une confusion de plus en plus profonde, informant peu le spectateur sur ce qui s’est joué dans le passé et résultant ainsi souvent d’une sensation de n’importe quoi capable de virer à l’hystérie.
Le caractère des personnages repose en grande partie sur des évènements passés qui ne sont qu’effleurés, et bien souvent les personnages semblent donc s’agiter dans le vide. Leurs caractères virent de bord d’une séquence à l’autre sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, et au cours du dernier acte, la fatigue s’empare du film. Devant toute cette agitation incohérente, j’ai été déconnecté, et My friend and his wife, un film présenté l’année dernière au FFCF 2009 m’est revenu à l’esprit. Un film qui souffrait du même mal, celui de nous pousser à ressentir de l’antipathie pour ses personnages, malgré leur misère, malgré leurs souffrances, tout ce que l’on veut, c’est les quitter au plus vite.
Après un tel film, sombre, moite et agaçant, un besoin de fraîcheur s’est emparé de moi. Ca tombe bien, le troisième film de la journée allait m’offrir exactement cela… (à suivre !)