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Henri Konan Bédié, les raisons d'un échec

Publié le 12 novembre 2010 par Africahit

Héritier de Félix Houphouët-Boigny, président en 1993 avant d’être renversé en 1999, Henri Konan Bédié a échoué dans sa reconquête du pouvoir. En cause : l’usure du PDCI et une mauvaise campagne.

« On n’a pas fait campagne ! » Cette réflexion d’un haut cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) en dit long sur l’amertume de beaucoup à l’égard d’Henri Konan Bédié (HKB). « Comment se fait-il qu’on n’ait confectionné aucun tee-shirt ? Les jeunes en raffolent. Pourquoi les panneaux Bédié étaient-ils deux ou trois fois plus petits que ceux de Gbagbo et Ouattara ? Les affiches montraient bien qu’on était troisième ! » De fait, sur le boulevard lagunaire ou le boulevard Giscard-d’Estaing, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara s’affichaient sur des panneaux géants, de la taille d’un immeuble de deux étages. Les portraits de HKB n’occupaient que la surface d’un salon de coiffure…

Au début de la campagne, l’ex-président est parti d’une équation simple : « Mon bilan 1993-1999 est bien meilleur que celui de Laurent Gbagbo depuis 2000. De mon temps, il n’y avait pas la guerre. Les Ivoiriens viendront naturellement à moi. » Un jour, le « vieux » a même lâché à l’un de ses proches : « Pas la peine de mettre plus de 2 milliards de F CFA dans cette campagne. Les gens savent déjà pour qui ils vont voter. »

Quelques bons meetings

Certes, HKB a réussi quelques bons meetings, mais il a négligé l’essentiel : les quatre-vingt-dix minutes qui lui étaient réservées à la télévision nationale. Le 27 octobre, il a boycotté l’émission sous prétexte que la Radio Télévision ivoirienne (RTI) avait refusé de diffuser intégralement l’un de ses spots. Résultat : des millions d’Ivoiriens n’ont jamais connu son programme. Surtout, ils n’ont jamais vu le vrai Bédié, celui qui est capable, comme Gbagbo et Ouattara, de « tenir » sur un plateau télé pendant plus d’une heure et de répondre du tac au tac aux questions des journalistes. Avant le scrutin, l’ex-président n’a offert qu’une image, celle de l’orateur qui lit de longs discours à la tribune de ses meetings…

Au vu des résultats provisoires – que son parti conteste vigoureusement –, HKB est loin de faire un score déshonorant. 25,24 % des voix, ce n’est pas rien. Et l’héritier de Félix Houphouët-Boigny peut se féliciter d’avoir gardé la pole position dans trois régions clés du pays. Chez lui, en pays baoulé, dans le centre du pays, il arrive en tête dans la région des Lacs (Yamoussoukro, Tiébissou) et dans celle du N’Zi-Comoé (Daoukro, Bongouanou). Dans le sud-ouest du pays, il est également premier dans la région cacaoyère du Bas-Sassandra  (San Pedro, Soubré).

Mais l’ex-président subit un grave échec dans deux régions du Sud-Est qui, jusque-là, lui étaient acquises. Le 31 octobre, les Agnis du Moyen-Comoé (Abengourou, Agnibilékrou) et du Sud-Comoé (Grand-Bassam, Aboisso) ont préféré Gbagbo à Bédié. Un score d’autant plus cuisant qu’Henriette Bédié, l’épouse du candidat, est originaire du Sud-Comoé. Autre région où HKB laisse des plumes : la Vallée du Bandama (Bouaké, Katiola), dans le Centre-Nord – cette fois au profit d’Alassane Ouattara. Enfin et surtout, le candidat Bédié est battu dans plusieurs fiefs d’Abidjan où la mairie est PDCI. Au Plateau et à Port-Bouët, Laurent Gbagbo l’emporte. À Treichville, c’est Alassane Ouattara qui rafle la mise…

Est-ce un hasard ? C’est à Abidjan – un tiers des électeurs – que vit la majorité des jeunes Ivoiriens, et c’est aussi là que HKB subit ses plus gros revers. À 76 ans, Bédié a-t-il perdu le contact avec la jeunesse ? Pas si simple. « S’il avait su s’entourer de jeunes, son message serait bien passé », souffle l’un de ses proches. « Son tort est de n’avoir fait campagne qu’avec sa vieille garde. Regardez son dernier grand meeting, le 27 octobre au stade Houphouët-Boigny d’Abidjan. Les trois orateurs avaient tous plus de 60 ans : Akossi Benjo [le maire du Plateau], Hortense Aka-Anghui [la maire de Port-Bouët] et lui-même. »

Vieille garde trop présente

Problème de casting ? Pas seulement. Le message lui-même était décalé. Sur ses affiches, le candidat avait ce slogan : « Notre expérience au service de la Côte d’Ivoire. » Réaction d’un jeune militant du PDCI au QG du parti, dans le quartier Cocody : « L’expérience, le bilan, tout ça, c’est bien. Mais moi, quand Bédié a été chassé du pouvoir, j’avais 10 ans, et je ne me souviens pas de ce qu’il a fait. » Plus dur encore, ce commentaire d’un quadra croisé au même QG : « Qu’est-ce que tu veux ! On est dans un pays où la moitié de la population a moins de 30 ans. Comment veux-tu gagner avec un candidat de 76 ans qui s’entoure de gens de plus de 60 ans et qui les envoie faire campagne avec des cacahuètes ? »

Que va devenir HKB ? « C’est mon dernier combat », a-t-il lancé à Jeune Afrique, en parlant de cette élection présidentielle. « J’espère qu’il va tenir parole et qu’il va se retirer dans l’honneur », lâche un de ses fidèles. Sa succession ? Quelques noms commencent à circuler : l’ex-Premier  ministre Charles Konan Banny, le secrétaire général du parti Alphonse Djédjé Mady, etc. « Encore des sexagénaires… », persifle un jeune cadre du PDCI. Avant d’ajouter : « Au prochain congrès, l’an prochain, il faudra rajeunir le parti. Lors du précédent, Bédié a gagné parce qu’il avait l’argent. Mais aujourd’hui, il est battu. Cette fois-ci, il ne faudra pas élire nécessairement le plus riche d’entre nous. »



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