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Venus noire

Publié le 14 novembre 2010 par Lorraine De Chezlo

Sortie salles France - 27 octobre 2010

avec Yahima Torres, André Jacobs, Olivier Gourmet, Elina Löwensohn, ...

Après avoir été domestique-esclave en Afrique du Sud, Saartjie est emmenée en Europe, à Londres d'abord, puis aux Pays-Bas et enfin à Paris, pour être le clou d'un spectacle inédit : celui de la Vénus Hottentote , celui d'un exotisme monstrueux montré avec force frayeur à un public populaire puis de plus en plus mondain et libertin. Poussant toujours plus loin le vice, Saartjie sera prostituée avec l'espoir de gagner tant d'argent par l'attrait des hommes pour son particularisme - des fesses énormes et un plateau génital soit disant typiquement hottentot - qu'elle pourrait rentrer un jour en Afrique du Sud et être mère à nouveau. Mais l'alcool et les maladies vénériennes auront raison de ses dernières forces. Enfin, le Musée de l'Homme de Paris pourra alors disposer pleinement de son anatomie scientifiquement remarquable...

Pour un film de reconstitution historique , avec ses 2h45 est vraiment trop long , et parfois répétitif. On n'a pas besoin d'autant d'immersion, d'autant de scènes lentes et crues pour appréhender la vie de cette femme connue en Occident pour ses formes callipyges.

Par contre, pour faire souffrir le spectateur, les 2h45 et les scènes répétées ont leur rôle à jouer : elles nous conduisent au malaise , à la nausée en nous mettant sous les yeux ce plaisir de voyeur d'une société "supérieure" ou en mal de frissons. Elles nous font souffrir en endurant ce quotidien répétitif, laborieux, glauque, sans espoir d'une femme détruite. Comme si, pour parvenir à nous faire prendre conscience des souffrances de cette femme-objet, il fallait mettre les bouchées doubles, oser les scènes crues sans concession...

Dans les , Victor Hugo évoque : " Paris est bon enfant. Il accepte royalement tout ; il n'est pas difficile en fait de Vénus ; sa callipyge est hottentote ; pourvu qu'il rie, il amnistie ; la laideur l'égaye, la difformité le désopile, le vice le distrait [...] "

Je ne l'avais pas lu dans les critiques avant d'aller voir le film, mais d'après moi en plus du sens historique, j'ai vu dans ce film le grave constat des ravages de l'alcool et de l'enfermement qu'il provoque, cet échapatoire à la douleur du présent et à la tristesse du passé (Saartjie a perdu son très jeune enfant avant de venir en Europe), car il se boit des litres d'alcool fort, à se demander si Saartjie est un seul instant dans son état normal.

Et puis, bien sûr.... Si Saartjie en voit très peu la couleur, c'est évidemment le profit qui conduit ses agents, ses maîtres, ses pseudos-mentors, à monter ses spectacles de plus en plus vicieux, de plus en plus pervers et voyeurs, pour le plus grand plaisir démoniaque des spectateurs , allant parfois même trop loin, jusqu'à les dégoûter. C'est le profit de certains hommes ou femmes qui conduit Saartjie à être cette figure noire exploitée pour son physique. Ce physique, on le montre, puis on le touche, puis on le viole, puis, une fois mort, il rapporte encore : on le dissèque et on l'expose . Ce qui dérange c'est ce mélange de fascination malsaine et de cause scientifique qui a justifié une telle exploitation.

Abdellatif Kechiche a le chic pour révéler des jeunes talents féminins, et c'est sans doute le cas avec Yahima Torres qui joue le rôle difficile de cette femme , une femme à la fois manipulée, mais avec la volonté également d'imposer ses propres limites ; une femme qui survit en puisant la force en elle, cette force qui transparaît dans son regard perçant...

_____________[merci Boustoune !]

Libellés : Afrique, Cinéma français, Film, Kechiche Abdellatif


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