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CINEMA: La classe du maître

Par Bullesdeculture @bullesdeculture

CINEMA: Bulle FFCF 2010 #5, La classe du maître/The master's class

Ce week-end était copieux à l'Action Christine avec une série de courts-métrages, deux fictions et la master class du "Cinéaste 2010" Ryoo Seung-wan !

CINEMA: Bulle FFCF 2010 #5, La classe du maître/The master's class
Tout d'abord, la sélection "Spéciale n°3" nous a présenté les courts-métrages du réalisateur Yang Ik-june, dont le premier long-métrage éprouvant, Breathless, était présenté il y a un an en ouverture du FFCF 2009. Loin de la nervosité de ce film-ci, ses courts-métrages au scénarii presque interchangeables apparaissent comme des balbutiements timides. La mise en scène à base de caméra à l'épaule filmant les comédiens au plus près est en revanche déjà là, quoiqu'elle serve ici des histoires de séparations de couples qui font un peu office de prétexte. Le début de Speechless (2007, 5 min) marque néanmoins : le film s'ouvre, sans doute quelques minutes après leur rupture, sur deux personnages qui pleurent en s'éloignant dans des ruelles sombres. Symétrie de la douleur partagée. Le reste est plus classique : ils se recroisent lors d'une soirée entre amis. Gêne mutuelle. Lui s'en va ; elle le suit. L'appelle. Il s'approche mais ne dit rien, elle veut qu'il parle.
De façon assez intéressante, ce court exploite la même idée qu'un autre, Just Leave Me Alone (5 min), réalisé un an plus tôt : aux femmes qui leur crient leurs sentiments au visage, les hommes n'ont rien à répondre. Fierté masculine ou impuissance émotionnelle, le réalisateur se garde bien de juger... Le troisième film annoncé, Always Behind You (2005, 43 min), n'a hélas pas pu être projeté à cause d'un problème de son.


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Réalisé par Ham Kyoung-rock, Elbowroom rappelle dans un premier temps Oasis (Lee Chang-dong, 2002). Vivant dans un institut pour handicapés, Soo-hee est une jeune femme qui vit en secret une idylle avec un autre pensionnaire. Lorsqu'elle tombe enceinte, tout le monde croit au viol. Comme elle ne peut pas s'exprimer, la méprise dure. Le film de Ham Kyoung-rock s'éloigne heureusement de celui de Lee Chang-dong par une mise en scène épatante qui épouse systématiquement le point de vue partiel et limité que son personnage principal a sur le monde et sur les gens qui l'entourent : ainsi, les personnages secondaires apparaissent-ils souvent décadrés ou flous. L'isolement du personnage est avant tout celui de son propre corps, pour lequel toute action s'avère une épreuve, que ce soit d'ouvrir une porte, de se brosser les cheveux... ou a priori d'élever un bébé. De cette difficulté permanente naît une sorte de tension curieuse et légèrement agaçante pour le spectateur, qui sait la vérité sur la grossesse mais qui, pas plus que Soo-hee, ne peut la communiquer aux autres personnages. Un véritable coup de coeur.
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Rupture de ton radicale avec Crazy Lee, Agent Secret Coréen, réalisé en 2009 par Ryoo Seung-wan. Fidèle à son titre, cette comédie d'espionnage irrévérencieuse et plus-que-potache ferait presque passer les OSS 117 pour des films sérieux ! Personnages cartoonesques et action débridée font passer un très agréable moment en compagnie de l'espion Lee, malgré la longue séquence qui le voit perdre la mémoire. Ryoo Seung-wan y revisite avec une évidente sincérité la légende du guerrier manchot (traitée notamment par le hong-kongais Tsui Hark dans The Blade en 1995), mais la séquence est néanmoins hors-sujet et coupe littéralement le film en deux. Parmi les nombreux moments comiques d'anthologie que compte le film, on retiendra en revanche une scène de combat absolument hilarante où Crazy Lee entreprend de corriger des malandrins qui bousculent une jeune femme au moyen du taekkyun, art martial ancestral coréen qui ressemble de loin à une danse bondissante !


Mais évidemment, le moment le plus attendu du festival était la master class de Ryoo Seung-wan animée par le critique Charles Tesson et ponctuée d'extraits de ses films. De ses premiers émois de cinéma devant les films d'arts martiaux de Jackie Chan et Bruce Lee, en passant par sa rencontre avec le réalisateur Park Chan-wuk qui l'a fait débuter comme assistant réalisateur, Ryoo Seung-wan a commencé par évoquer ses débuts difficiles à la mise en scène.

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De cet autodidacte du cinéma, on retiendra surtout la persévérance, notamment mise à l'épreuve lors de la réalisation de Die Bad, son premier long-métrage achevé en 2000. En raison des difficultés à rassembler les fonds nécessaires, Ryoo Seung-wan a en effet découpé son long en plusieurs courts, les prix de l'un en festivals permettant de financer les suivants. Du propre aveu du réalisateur, cette tactique de production a fini par payer mais il a en a résulté un film hybride, aux styles parfois incohérents. S'il reconnaît humblement être assez embarrassé par certains aspects, notamment techniques, de son premier long, Ryoo Seung-wan sait aussi que son stress et ses doutes de l'époque se sont incarnés dans son film, ce qui le rendrait impossible à refaire aujourd'hui.


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De son film suivant, No blood no tears (2002), Ryoo a ensuite dit qu'il désirait raconter l'histoire de deux femmes qui finiraient par sortir vainqueur de leur lutte avec la société hyper masculine. Mais au final, le film est devenu plus désesperé, peut-être à cause de l'apparente contradiction entre le fait de vouloir coller à un cinéma de genre, et le désir plus profond du réalisateur de montrer une certaine réalité de la société coréenne.


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Cette contradiction s'exprime avec ses deux films suivants. Inspiré par les films hong-kongais de sa jeunesse, Arahan (2004) est un film fantastique plein d'effets spéciaux et de cascades, volontairement plus léger et commercial que les précédents. Le film relève du genre de films de super-héros, bien que le réalisateur note une différence majeure entre les films occidentaux et asiatiques relevant de ce genre. Si les super-héros occidentaux naissent généralement avec leurs pouvoirs ou avantages, les asiatiques doivent découvrir ou entraîner les leurs. Le statut de héros dans le cinéma asiatique est donc accessible à quiconque se montre persévérant.


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À l'inverse, Crying Fist (2005) est un retour à la rue et à un style plus proche de celui de ses débuts. Inspirés par deux documentaires (un sur un homme qui se laissait frapper dans la rue à Shinjuku ; l'autre sur un jeune coréen qui a appris la boxe en prison), le film traite de deux boxeurs sans toutefois respecter tous les codes du genre. En effet, le réalisateur s'est attaché à ne pas en rendre un plus sympathique que l'autre, de sorte que le spectateur ne puisse développer de préférence pour aucun. Amusé, Ryoo Seung-wan conclut en faisant remarquer que, si ce choix explique peut-être l'échec au box-office, le film lui a néanmoins permis de venir en France pour la première fois de sa vie !


Sébou/세부
En savoir plus :
- http://ffcf.blogspot.com (Blog officiel du Festival) ;
- CINEMA: Bulle FFCF #01 - Ouverture du 5ème Festival Franco Coréen du Film ;
- Bulle FFCF 2010 #2 - Petit traité du capitalisme d'épouvante ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #3 - My Dear Festival ;
- Bulle FFCF 2010 #4 - Petite histoire du cinéma documentaire sud-coréen.


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