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La question de la nationalité en Algérie

Par Activitesbnf

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La question de la nationalité en Algérie

La question de la nationalité en Algérie traduit le caractère éminemment ambigu de la place accordée par la France à ce territoire et à sa population, tout au long de l’histoire contemporaine. Retour en deux temps sur une notion qui n’a jamais véritablement été clarifiée sur le plan juridique :
Quelques semaines après la prise d’Alger, la directive militaire du 9 septembre 1830 fait des territoires occupés par l’armée une terre juridiquement vierge. Toutefois, le 22 octobre 1830, une autre directive militaire reconnaît la juridiction des tribunaux locaux « musulmans » et « israélites ».
Par l’ordonnance du 22 juillet 1834, la France annexe les territoires occupés. En théorie, l’Algérie devient donc une continuation du territoire national par-delà la mer Méditerranée.
Les indigènes musulmans ou juifs sont considérés comme sujets français mais n’obtiennent pas la pleine nationalité. Sur le terrain, sont reconnus deux systèmes juridiques avec des codes, des magistrats et des tribunaux distincts. Le droit du sang (« jus sanguinis ») attache l’individu au statut civil de droit commun ou à un statut civil local. La conversion au christianisme ne permet pas de changer son statut civil.
Dans l’objectif affiché d’assimilation une série d’ordonnances vont limiter le champ d’application des droits coutumiers. L’ordonnance de 1834 susvisée limite ainsi le champ d’application de la loi juive au statut civil et personnel (mariage, divorce, héritage, filiation). Les droits coutumiers coraniques et berbères connaissent des restrictions similaires par l’ordonnance du 28 février 1841. Les tribunaux mosaïques sont supprimés : les seuls tribunaux indigènes sont les tribunaux musulmans. Quant aux affaires criminelles et publiques, elles sont régies par le droit français ou droit commun.
Le discours du trône du 27 décembre 1841, lu devant les députés, déclare que l’Algérie serait « désormais et pour toujours française ». Partant, l’ordonnance du 26 septembre 1842 établit la possibilité d’interjeter appel des jugements rendus sous les doits locaux devant la Cour d’Appel.
En 1848 enfin, Alger, Oran et Constantine acquièrent le statut de département. Toutefois, les projets visant à naturaliser les Musulmans et les Juifs échouent tous.
La co-existence des communautés est reconnue par les sénatus-consultes de 1854 et 1866. Peu après son voyage en Algérie et dans le cadre de sa politique du « royaume arabe », le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 affirme que « tout individu musulman est français » et offre aux indigènes qualifiés la possibilité de « jouir des droits de citoyen français » au prix du renoncement à  leur statut civil local. Ce texte offre ainsi pour tout étranger, européen ou indigène, la possibilité de se faire naturaliser à titre individuel mais la mesure rencontre peu de succès. Devant cette faillite des politiques fondées sur l’abandon volontaire d’un statut civil particulier, les Juifs obtiennent par le décret Crémieux en octobre 1870 leur naturalisation collective voyant ainsi aboutir une revendication portée depuis plusieurs années.

Pyramide de l Avant-garde d Alger [39e fête fédérale de l Union des sociétés de gymnastique de France] : [photographie de presse] / [Agence Rol]

Pyramide de l Avant-garde d Alger [39e fête fédérale de l Union des sociétés de gymnastique de France] : [photographie de presse] / [Agence Rol]
Source: Bibliothèque nationale de France

La loi sur la nationalité du 26 juin 1889 apporte de nombreux changements. Par l’adoption du double droit du sol (« jus soli »), la France permet la naturalisation des nombreux étrangers de souche européenne installés en Algérie. La loi dispose que tout individu né en France (Algérie comprise) d’un parent (français ou étranger) né en France est automatiquement français de nationalité. Les personnes nées en France de deux parents étrangers obtiennent aussi la nationalité française. Cette approche de la nationalité qualifiée de sociologique ne vaut pas pour les Musulmans. Sujets français, les indigènes musulmans ne disposent d’aucun droit politique. Ils sont par ailleurs soumis au Code indigène, ensemble de dispositions juridiques qui s’ajoute au Code Pénal en 1881. La rhétorique racialisante présente dans la vie intellectuelle de l’époque avec Gobineau ou chez certains militaires n’est sans doute pas étrangère à cette distinction. La « question indigène » divise. Si certains prônent l’extension de l’assimilation au profit des Musulmans, d’autres plaident au contraire pour un abandon de cet objectif qu’ils considèrent tout à la fois inatteignable et indésirable. Si des projets de naturalisation collective à destination des Musulmans émergent, aucun n’aboutit, mis en échec par les parlementaires élus en Algérie et la pression des colons.
Soumis à la conscription obligatoire depuis 1912, les indigènes musulmans participent à la Première Guerre Mondiale. En remerciements de leurs sacrifices sur les champs de bataille, la loi du 4 février 1919 propose une simplification des procédures permettant aux hommes d’Algérie de statut civil coranique d’acquérir la citoyenneté française, et en facilite l’accès en théorie. La réalité est tout autre : les conditions sont telles (monogamie ou célibat, résidence de deux ans dans une même commune…) que la loi apparaît à certains égards plus restrictive que le sénatus-consulte de 1865. Par ailleurs, le procureur de la République ou le gouverneur peuvent s’opposer à la demande ” pour cause d’indignité ». Les effets du texte sont donc faibles, réduits encore par le manque de volonté de l’administration coloniale de le faire appliquer. En 1936, seules 7 817 personnes sont naturalisées grâce à la loi de 1919. Petit à petit, cette situation agace diverses organisations qu’elle plaide pour l’assimilation comme les Jeunes Algériens ou aspire à l’indépendance comme l’Etoile nord-africaine.
L’échec du projet Blum-Viollette de 1937 achève de dissiper les derniers espoirs d’une naturalisation des Musulmans d’Algérie. La Seconde Guerre Mondiale relance le débat à la Libération en des termes nouveaux.

Benjamin Prémel - Direction des collections, département Droit, Economie, Politique.


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