J'ai dit ici l'admiration que j'ai pour la manière dont Conrad construit de toutes pièces une province, une société, un pays dans lesquels va se passer l'intrigue de son roman Nostromo. Il prend longuement le temps de poser le décor et les personnages. Puis l’histoire peut commencer
« Enfin! » diront, ont dit, certains lecteurs. Ils étaient nombreux lors de la publication du livre à ne rien comprendre à la première partie du roman. Le lecteur moderne, lui, est habitué à jongler avec la temporalité et les lieux, il ne s’agace plus des retards et des allers et retours, et ne peut qu’admirer le somptueux déploiement du texte. Question d’époque et de modes.
Ensuite, donc, dès la deuxième partie, ça se passe. Nostromo, contremaître du port, vole l'argent de la mine.
Nostromo, c'est le héros du peuple. Sa seule ambition est de conserver sa réputation. Il est vaniteux, il veut qu'on l'admire pour son autorité, sa virilité, son charisme, sa superbe. Mais il n’a pas le pouvoir et il le sait.
Celui-ci est détenu, au-dessus de lui, par la haute société. Ceux qui dirigent, possèdent la mine d'argent: les vieilles familles et les entrepreneurs étrangers. Ces gens-là ont toute confiance en lui mais le considèrent comme un simple instrument dévoué qu’on utilise à sa guise.
Nostromo prend donc sa revanche et s’approprie le butin après quelques hésitations où son sens de la fidélité et du dévouement ont été mis à rude épreuve. Et tout se passerait donc bien pour lui s'il n'y avait, finalement, une histoire d'amour qui tourne mal...
Intrigue bien construite, lentement dévoilée. Mais l'essentiel bien sûr,comme toujours chez Conrad, est dans les ambiguïtés des âmes, les convoitises, les remords, les fautes, les faux-pas, les lâchetés et les trahisons qu'on ne peut se pardonner...