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Les dessous de l’affaire dite de «Biens mal acquis»: Ce que vous avez toujours voulu savoir…

Publié le 18 novembre 2010 par 237online @237online

Écrit par Etiame.com : Calixte Baniafouna   

Jeudi, 18 Novembre 2010 10:22

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Les dessous de l’affaire dite de «Biens mal acquis»: Ce que vous avez toujours voulu savoir…
Les «Biens mal acquis», ce sont plus de 200 milliards de dollars (Michel Camdessus, l'ancien directeur général du FMI, évoquait même des chiffres dépassant 1.000 milliards de dollars) des avoirs détournés par plus de 30 dirigeants de pays en développement. Mais quand on parle «Biens mal acquis», on ne pense systématiquement qu'au patrimoine de trois parmi la dizaine de dirigeants des pays de l'Afrique centrale: Omar Bongo Ondimba du Gabon, Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de Guinée Équatoriale. Voilà qui fait dire à M. Sassou Nguesso que cette restriction à trois «victimes» parmi tant de vrais «fortunés» du monde n'est autre chose que du racisme, du colonialisme, si ce n'est de la volonté de nuire... purement et simplement!

Et c'est là le fond de l'affaire dite de «Biens mal acquis».

Il y a «Biens mal acquis» d'abord parce qu'il y a régimes non démocratiques; ensuite parce que les régimes non démocratiques font fi des règles de gestion qui s'appliqueraient dans le contexte d'institutions démocratiquement installées, gérées et contrôlées par des représentants du peuple; et parce que, enfin, qui dit régimes non démocratiques dit régimes corrompus.

Dès lors que le régime est corrompu, tout est permis : racisme, colonialisme, affairisme, volonté de nuire... autant de tristes réalités qui tombent dans l'entendement de M. Sassou Nguesso comme d'un chef du village autoproclamé (car même au village le chef est élu) qui, forcément, ne peut que voir le diable partout...

C'est donc une affaire de racisme car le partenariat entre dirigeants des pays spoliés et pays occidentaux (notamment États-Unis, Allemagne, Grande-Bretagne, France...) repose pour l'essentiel sur la grande corruption. Et la grande corruption a miné la démocratie des pays corrompus. La grande corruption finance et maintient au pouvoir les régimes autoritaires qui s'illustrent par l'achat des armes (le pouvoir prenant pieds et appuis sur la force militaire), le clientélisme, les arrangements avec quelques citoyens à qui l'on fait jouer le rôle de l'opposition, etc. Érigée en système, la grande corruption s'impose dans l'imaginaire de la population comme la clé de la réussite. La grande corruption réussit à saper les efforts entrepris par les citoyens pour le respect de l'être humain, la justice, la vérité en ruinant tout espoir de développement. La grande corruption crée des énormes écarts de niveau de vie entre corrompus et le reste de la population majoritaire, contrainte à croupir dans la misère et la pauvreté quasi-permanente. La grande corruption est enfin au cœur de l'hypocrisie des pays du Nord, des paradis fiscaux et judiciaires, des prêts à des régimes corrompus, du pillage des richesses, de la marginalisation des populations de pays dirigés par des corrompus...

Une affaire de colonialisme dans la mesure où les «Biens», acquis avec la complaisance des corrupteurs considérés comme «colonialistes» - qui ferment les yeux et ce, en dépit de leurs promesses répétées de lutter contre la corruption - sont perçus par les corrompus «émissaires locaux» comme une gratification pour services rendus en ayant facilité les mécanismes de pillage des ressources du pays, de blocage du pays de toute possibilité d'émancipation politique (démocratie), de décollage économique et de sortie de la pauvreté.

Une volonté de nuire dès lors qu'en se mettant au service de corrupteurs des puissances occidentales, les dirigeants africains corrompus laissent sur les carreaux des familles endeuillées par les guerres de prise de pouvoir et son maintien, de la haine de ceux à qui il ne reste plus que la résignation pour répondant, de la misère des populations au nom desquelles ils justifient leur soif du pouvoir, de la privation dans la redistribution du revenu national... autant de nuisances qui appellent à s'interroger lesquels des corrompus ou des défendeurs des victimes manifestent une réelle volonté de nuire?

Si M. Sassou Nguesso perçoit tout cela comme «une volonté de nuire» à sa personne, il devrait surtout comprendre que la vie est un choix: quand on a choisi la carrière de «dictateur», on ne doit pas perdre de vue que le dictateur - qui est par définition un traître devenu grand sur le dos et le flot de sang de ses compatriotes puis corrompu au plus haut niveau des grandes puissances du monde – ne peut être descendu que par les mêmes qui l'ont élevé sur le piédestal de la puissance. Un triste destin!

Quant au problème qui nous occupe, une question de fond reste posée : la conclusion judiciaire donnée mardi 9 novembre 2010 à cette affaire par la Cour de cassation, d'avoir autorisé la justice française à enquêter sur les conditions d'acquisition en France du patrimoine de trois chefs d'État africains, suffira-t-elle à aller au bout de la procédure, à sanctionner les dirigeants délinquants et à rendre justice aux misérables populations spoliées?

Rien n'est moins sûr d'autant plus que la justice française - pour la même affaire et pour bien d'autres (plainte du président congolais élu Pascal Lissouba contre Elf et Sassou Nguesso sur le financement de la guerre de 1997, disparus du Beach de Brazzaville, etc.) -, ne s'est jamais gênée de s'afficher sur la position des dirigeants français (de gauche comme de droite) qui ont toujours considéré comme «amis personnels» et ménagés comme tels, quoi qu'ils aient fait, ces criminels politiques, économiques et sociaux d'une partie du continent africain.

Tout cela fait mauvais effet à la crédibilité de la France qui, par cette politique d'une autre époque, reste cantonnée sur ses méthodes coloniales du siècle dernier en dépit de l'évolution du temps et de la prise en main du pays par la jeune génération (Sarkozy) qui n'a pas souffert de la haine coloniale de l'époque De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac.

Tout cela fait mauvais effet aux dirigeants africains corrompus qui, à la manière des élèves du primaire à qui le maître ne demande qu'à répéter ce qu'il dit, sont constamment exposés aux humiliations qui rappellent les reportages diffusés à la télé française à l'attention du peuple français, et où M. Sassou Nguesso, par exemple, tel un voleur surpris la main dans le sac, invite le cameraman à filmer l'intégralité de sa résidence de Mpila à Brazzaville (bureau de travail, salon, salle à manger, chambres, couloirs, état du mobilier, toilettes...), de son appartement de l'avenue Rapp à Paris en se justifiant comme il peut que son patrimoine se limite à un appartement et non à tout l'immeuble filmé, ou de son château du Vésinet le pecq (près de Paris) dont il déplore d'ailleurs l'emplacement, à côté d'un chemin de fer bruyant.

En suivant ces images, nombre étions-nous, les Africains, qui avons croisé nos doigts redoutant le zoom qui montrerait l'interpellé en train de supplier la SNCF de déplacer ses rails moyennant le versement de quelques centaines de millions d'euros bien sûr! Eh! oui, cela s'est déjà vu en Suisse avec son mentor Mobutu Sese Seko de qui il tire le modèle jusqu'au moindre détail: il a fait déplacer le chemin de fer loin de son château pour éviter le bruit.

L'affaire de «Biens mal acquis» est en réalité un boomerang que la France a attaché dans les mains de ses figurines les plus affirmées et qui reviendra toujours vers elles.

L'affaire de «Biens mal acquis» est un dossier de chantage récurrent que la France classera sans suite ou remettra dans la boucle judiciaire selon qu'un besoin de rançon ou d'extorsion par les dirigeants français se fera sentir vis-à-vis de leurs obligés corrompus.

L'affaire sera toujours classée sans suite d'autant plus que la balance ne penchera que soit d'un côté soit de l'autre sur la plateforme de la Françafrique :

Du côté de l'Afrique, les pantins brandissent la menace du risque de « tensions diplomatiques » (lire communiqué d'Ali Bongo de mercredi 10 novembre 2010 en réaction à l'annonce de la décision de la Cour de cassation française), le chantage sur le privilège de la coopération qu'ils seraient prêts à transférer sous d'autres cieux, l'évocation de l'arrière-garde nostalgique d'un temps révolu comme si le fait d'être installés et soutenus au pouvoir par la France contre la volonté du peuple que l'on dit diriger relèverait des processus du temps moderne!

Du côté de Paris, même chantage: la France brandit le drapeau de ses intérêts divers comme si la démocratie en Afrique d'anciennes colonies françaises était systématiquement synonyme de compromission des intérêts français ; la rigidité de ses lois qui auraient décrété «hautement sensible le domaine de la diplomatie (article 435 du Code pénal français)» peu importe que le partenaire en face soit un criminel, un fou ou un dictateur tout né ; le privilège du ministère public (donc du politique) qui, seul, aurait le droit d'engager des poursuites dans des affaires comme celle de «Bien mal acquis» par des dictateurs même s'il n'y a aucun doute que le parquet français n'a pas le monopole de la défense des intérêts collectifs des peuples spoliés.

L'affaire de «Biens mal acquis» sera relancée chaque fois que les guignols tarderont à exécuter l'ordre du maître ou en oseront manifester la moindre réticence : financement de la campagne présidentielle vers l'Élysée ou des partis politiques français, apport de voix en faveur de la France dans les votes au sein des institutions internationales, pillage par la France de matières premières des pays dirigés par des corrompus, privilège de contrats que les corrompus ont l'obligation de passer en priorité à la France, voire remise aux «amis souteneurs» de cadeaux (ou des espèces pour leurs vacances), etc.

Tant mieux pour les populations africaines méprisées si, à force de jouer avec le feu, l'effet balançoire en arrive un jour à installer à la tête de la France quelqu'un qui remettrait sur les rails les valeurs de la République résumées aux trois mots de liberté, égalité et fraternité. On en arriverait alors à l'indépendance de la justice qui lèverait ainsi le pacte de l'impunité des dirigeants délinquants.

Et, par effet d'entraînement, les autres patriarches qui se sont enrichis sur le dos de leurs peuples respectifs pourraient se joindre aux trois délinquants qui font l'aune de la décision de la Cour de cassation et, peut-être seulement, parvenir à casser la Françafrique et à démocratiser ses pays victimes... Qui peut le croire aujourd'hui?

Croisons les doigts!


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