Nos gamins auront ta peau.

Aujourd'hui, on a passé une bonne journée. On a eu de la chance. On a eu de la chance parce qu'on est allés bouffer une poutine. Mais si, vous savez bien, ce truc typiquement montréalais qui consiste à recouvrir vos frites d'une masse visqueuse et brunâtre qui ressemble à du... On n’a rien dit ! Bref, le truc qui fait que vos frites contiennent les calories de 18 repas. On pense à nos fesses, tout ça, mais comme on a eu de la chance, on se dit qu'on a bien fait de la bouffer cette poutine, parce qu'il y en a une qui nous a tellement fait suer que finalement on a vachement éliminé, comme au sauna norvégien en somme. Ne vous inquiétez pas, on vous explique... Il est 16 h, un petit creux, on se retrouve avec une faune mode improbable : rédactrices, blogueuses, pseudo-mannequins et performers en tout genre, bref ça cancane, ça boit des cocktails, ça se félicite dans une ambiance proche des Bisounours. On aime tous la mode et on fume des clopes dehors par moins 25 degrés, tout va bien. Et il y a cette blonde pas trop loin de nous, la trentaine chic mais cheap, rien d'extraordinaire. Seulement voilà, la Madame nous tend sa carte : « Fashion editor ». « Wow ! Classe ! On fricote avec la haute ! ». Puis d'un coup d'un seul, après trop de cocktails, voilà qu'elle balance : — De toute façon, l'avenir de la mode est dans la fast fashion !Notre sang ne fait qu'un tour :— Vous pouvez répéter ?— Non mais c'est vrai, quoi, avec cette démocratisation, bientôt on pourra se payer du Dior au supermarché ! Ha ! ha ! ha ! rit-elle.On ne rit pas du tout. Mais conasse ! Qui a envie que notre précieux art vire à la vulgaire course chez Carrefour ? Qui ? Et il y a écrit « Fashion editor » sur ta carte de visite ?! C'est une plaisanterie ?L'over production ça vous parle? OK ! OK ! On se calme. Oui, nous aussi on achète nos petites culottes chez un marchand suédois ou espagnol qui ouvre même des magasins au fin fond de la steppe mongole. Oui, nous aussi on achète nos chaussettes par packs de 7 à 15 boules, une ceinture par-ci par-là, un accessoire un peu hors du commun. Mais nom de Dieu, arrêtez de penser qu'on parle ici de mode ! On parle de commerce. Point. D'ailleurs, cette dame aurait dû être commerciale, pas rédactrice de mode. Si la totalité de nos garde-robes viennent à être composées chez les Gargantua du commerce, c'est la mort de la créativité. Il ne vous propose pas de démocratiser la couture en vous faisant économiser, il vous propose d'alléger votre porte-monnaie en copiant des pièces sur des grandes maisons. Avez-vous vraiment envie de toutes ressembler les unes aux autres ?à gauche: Balmain - à droite: Zara - C'est une honte pour la créativité! Le plagiat n'a plus de limites même dans les poses et les coupes de cheveux. C'est vraiment indécent. La seconde main, les « customiseurs », les petits créateurs, les marchés aux puces, les vide-dressings, il y a tellement de solutions pour se créer un look à la hauteur de son unique personnalité… Pourquoi s'employer à recopier ce que tout le monde aura déjà sur le dos ? Et après, ça dit aimer la mode ? On rêve. Voulez-vous vraiment ranger votre personnalité dans votre placard en même que vos achats?Même si vous êtes obnubilés par la tendance et que vous voulez des pièces « podium », alors dans ces cas-là, faites comme pour le bon foie gras : une à deux fois par an ! Pas besoin de dévaliser le rayon « pâle copie ». Ce n'est plus être modeuse, c'est être uniquement consommatrice. Pire, victime et dans le mauvais sens du terme, puisque que de toute manière vous ne posséderez aucune originalité, vous ne sortirez pas du lot et, encore plus grave, vous gommerez ce qu'il y a de plus important chez un être humain : la personnalité.Je shop par conséquent je suis. N'oubliez pas cette phrase... vous êtes ce que vous achetez.Berk ! On a plus de dignité que ça parce que nous, on la vit vraiment notre passion. Nos parents nous ont appris à ne pas jeter les papiers par terre et à respecter la planète. J'apprendrai à mes enfants à consommer intelligemment pour que grâce à leurs fringues, ils sachent exprimer leur personnalité et être uniques. Mes gamins, ils la feront couler la mode du marketing et  du plagiat. Comme ça, on pourra revenir dans ce même café dans 20 ans et dire : « Vous vous êtes plantée, Madame la rédactrice... ».Bien à vous.