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Le voyage d'hiver (Partie II)

Par Véronique Bessard

Je vous emmène aujourd’hui sur les traces du héros de Marc Cholodenko afin de terminer, avec la seconde partie du texte de celui-ci, le voyage entamé en début de semaine.
"A peine nous étions-nous connus qu’un long voyage nous sépara. Quand je revins, à sa place je trouvai une lettre. Puisque je suis parti – eh bien, elle aussi (elle était comme ça et je crois que c’est comme que je l’aimais).
Mais elle n’était pas loin. A quelques heures de train. Et pour m’aider à supporter ces heures insupportables, elle m’avait délégué, m’écrivait-elle, enfermé dans une seconde enveloppe à l’intérieur de la première, un peu d’elle-même, de son odeur, de son parfum, de – jamais le double sens de ce terme ne fut plus approprié – son essence. (pour lire la suite cliquez ci-dessous)

Sannabay

Je m’interdis de décacheter la précieuse enveloppe avant que le train ne fût ébranlé, n’osant m’ouvrir à la promesse du bonheur avant d’être assuré que sa possession ne pouvait plus m’échapper.
M’ouvrir, m’offrir, c’était bien cela, porter à mes narines, enfin, ce morceau de coton imprégné de l’existence subtile de l’aimée. Pendant les quatre heures que dura le voyage, je jouai à m’ouvrir à me refermer, comme si j’étais un livre qu’elle tenait devant elle, selon qu’à humer son parfum je m’abîmais tout entier en la douloureuse attente, le douloureux besoin d’elle ou que, l’enveloppe refermée et enfouie au fond d’une poche, je me retrouvais dans les ternes senteurs, la terne lumière, les ternes bruits de ce terne wagon de seconde filant dans la nuit d’hiver, et que j’aurais voulus encore plus ternes pour jouir d’un contraste plus violent – si telle chose était possible.
Aujourd’hui que je sais, je comprends enfin – sans plus pouvoir le goûter – combien rare était le privilège qui m’était accordé de pouvoir à volonté, par le seul moyen d’un petit bout de coton imbibé d’un peu d’extrait, aller et venir de la félicité la plus totale à la plus commune et morne des quotidiennetés.
Novice que j’étais alors de l’amour, et de la vie, je fis comme tout le monde et laissai passer sans m’en apercevoir les heures les plus heureuses de ma jeunesse. A l’extrémité de la ligne l’histoire de notre amour commençait, c’est-à-dire que notre amour commençait de vivre et donc de mourir. Jamais plus ce parfum ne serait aussi véritablement elle qu’en ces heures où elle n’était pas encore là et où elle fut pourtant, par magie d’une senteur, plus proche et plus réelle et plus aimée qu’elle ne le serait jamais."
Le voyage d'hiver
Marc Cholodenko


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