"C'est une de ces chambres un peu miteuses éclairées au néon, avec des papiers journaux pour toute tapisserie, de mauvaises étagères et des grilles aux fenêtres. Liu Gang, 29 ans, guitare à la main, entonne Chutianli ("au printemps"), un tube de rock chinois sur le temps des galères, "(quand) j'avais encore les cheveux longs, pas de carte de crédit ni de copine, dans une chambre sans eau chaude 24 heures sur 24, mais où j'étais tellement joyeux, avec ma guitare pourrie, à chanter des chansons que personne n'écoute...". Torse nu, le corps décharné, une cigarette entre les doigts et l'air un peu éméché, Wang Xu, 44 ans, enchaîne, debout, devant une table chargée de bouteilles de bière Tsingtao vides : "Je me suis fait couper les cheveux et pousser la barbe, mes souffrances sont parties avec le vent, mais le temps qui passe me donne le vague à l'âme, et je me sens soudain si triste, en pensant au printemps d'autrefois...
C'était l'été dernier. Un autre fêtard a sorti son téléphone portable, filmé le duo, et l'a mis sur Youku, cousin chinois de YouTube. A ce jour, ils seraient plus de dix millions à s'être enthousiasmés pour Xu Ri Yang Gang - un jeu de mots, qu'on pourrait traduire par "le soleil levant des durs" -, du nom de la formation improvisée des deux compères. L'émotion brute que dégagent Wang Xu et Liu Gang, leur énergie de galériens au long cours, a conquis les internautes, qui les trouvent volontiers plus authentiques que le chanteur originel. Et puis ce sont des mingong, les migrants des campagnes, ces 200 millions de "trimards" du miracle économique chinois qu'un infranchissable fossé sépare des classes moyennes urbaines : Wang Xu vient d'Henan, il a roulé sa bosse de chantier en chantier, du Xinjiang au Shaanxi, pour monter des chaudières. Ça fait dix ans qu'il est manutentionnaire dans des entrepôts à Pékin. Liu Gang, qui est du Heilongjiang, a rejoint la capitale en 2003. Il vit de petits boulots et chante dans des passages souterrains pour ramasser quelques sous. [....]"
Je vous inviter à lire la suite de de cet très intéressant article sur le monde.fr, et surtout écouter la chanson dont il parle, car je me suis donné du mal pour la dénicher! Et sans être de la grande musique, c'est vrai que c'est accrocheur et sincère et presque pas de la soupe (par rapport au reste de la musique pop chinoise cela s'entend) et je préfère ne pas vous conseiller d'écouter l'originale ni vers la reprise qu'ils ont faites ensuite sur un plateau télé pour ne pas vous donner mal au coeur.
视频: 请认真听完农民工自弹唱,感人至深的《春天里》 / Xu Ri Yang Gang - Chutianli (reprise de Wang Feng)