Jules Verne n'y avait pas pensé, Jean-Gabriel Chelala va le faire: un tour du monde en 365 jours, mais à pédales, sur terre et sur mer, en vélo et en "cyclomer" habitable, à travers l'Atlantique et le Pacifique, les Etats-Unis, la Russie et l'Europe.
Dimanche 13 janvier, à 11H00, sur le parvis de Notre-Dame, à Paris, cet ingénieur en bâtiment de 27 ans, Franco-Libanais originaire d'Antélias, au nord de Beyrouth, et Breton d'adoption résidant à Fougères (Ille-et-Vilaine), va donner les premiers coups de pédales d'un voyage extraordinaire de 30.000 km, à travers deux océans et une dizaine de pays. C'est l'expédition "48° Nord".
"Un 1er tour du monde +à la force humaine+, physique et mentale, sans voile et sans vapeur, uniquement avec la tête et les jambes, déclare-t-il à l'AFP. Mon carburant, c'est l'appétit de découverte et de connaissance. Je veux rêver et faire rêver. C'est le voyage de +monsieur tout le monde+ avec une énergie à déplacer les montagnes."
Jean-Gabriel a déjà bien bourlingué. Quand il ne grimpe pas en solo sur les plus hauts sommets du monde (Mont-Blanc, Kilimandjaro ou dans l'Himalaya), il se promène, comme en 2004, en Afrique de l'Est, au Moyen-Orient, en Inde, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, à la découverte des habitats traditionnels.
Mais dimanche, sur la selle de son vélo, il mettra le cap sur le Portugal pour rejoindre, début février, à la pointe sud-ouest du pays, le port de Sagres d'où appareillèrent au XVe siècle nombre de grands navigateurs de l'âge de la découverte.
"Cyclomer" ou "Pédaleau" hauturier
Et là commencera l'exploit. Une transatlantique sans précédent à bord d'un drôle d'engin flottant propulsé par une hélice qu'actionne un pédalier. Il convient, pour éviter les foudres de la justice, de l'appeler "cyclomer" ou "pédaleau", l'autre orthographe, familière des estivants, étant une marque protégée.
L'embarcation de 7,50 m de long et 1,60 m de large, surmontée d'une "galette de redressement", offre une minuscule cabine à l'arrière. Conçue par l'architecte naval Guy Saillard, elle a été fabriquée par le constructeur nautique Alain Gabbay à La Ciotat.
Comme les canots des rameurs hauturiers, le poste de nage, avec le pédalier qui entraîne l'hélice, se trouve au milieu de l'esquif, équipé de panneaux solaires pour l'alimentation en électricité des appareils de communication (GPS, téléphone satellite).
"Je prendrai la mer, cap sur la Floride. 6500 km que j'espère couvrir en deux mois", précise Jean-Gabriel Chelala.
Puis après une à deux semaines de repos, retour sur la selle du vélo pour cette fois monter plein nord-ouest à travers les Etats-Unis et le Canada, jusqu'à Anchorage, en Alaska (8000 km en quelque 2 mois et demi).
Sur terre, comme sur mer, le jeune aventurier évoluera en totale autonomie. Il dormira sous la tente ou chez l'habitant, au gré des rencontres et invitations.
Aléoutiennes, Kamtchatka et ...Goulag
Nous serons en avril, au début du printemps dans l'hémisphère nord. Mais il fera encore frisquet quand Philéas Fogg junior quittera les côtes d'Alaska pour voguer en pédalant sur le Pacifique, vers les îles Aléoutiennes.
"Je les contournerai par le sud pour changer de continent et viser la péninsule du Kamtchatka, à l'extrémité orientale de la Russie", dit-il sur le même ton que "pour République, changez à Bastille..."
"Mais là, c'est l'inconnu. Je remonterai ensuite au nord, vers la Sibérie et le port de Magadan sur la mer d'Okhotsk, point final de la partie maritime de ma circumnavigation."
Magadan, de funeste mémoire, à l'extrémité orientale de la Russie, fut, sous Staline, un important centre de transit des déportés en route pour le Goulag (les camps de travail de la Kolyma).
"Quand je serai arrivé là, je serai content. J'aurai presque fini...", dit Jean-Gabriel avec un sourire malicieux, derrière ses sages lunettes à montures rectangulaires.
Presque? 10.000 km au guidon pour rejoindre Paris.
Par Patrick FILLEUX