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La conjuration des cravates

Publié le 22 novembre 2010 par L12s

La conjuration des cravatesAller dans une soirée dans l’unique but de faire un article sympa pour L12S (ou presque, en vrai, j’aurais aussi bien voulu mettre ma tête entre une paire de nichons, éventuellement), si ça c’est pas de la conscience professionnelle… Venez passer une soirée très sympa dans le costard de Nicolas Georges.

Alors ce soir, c’était le « Bal du Bapts », un gala organisé par l’Ecole des Arts et Métiers. Je ne sais pas vraiment ce qu’on enseigne dans cette institution, même après avoir demandé à des gars du cru (qui m’ont répondu « de la mécanique »), je ne suis pas plus avancé mais, franchement, on s’en fout. Samedi soir, c’était la fête mais pas un truc de prolo hein! Costard exigé.

J’arrive vers minuit avec quelques potes, une fois entré dans une grande cour à l’éclairage orangée, j’ai chaud à la cravate et envie de faire pipi. C’est dans une ingénieuse pissotière improvisée (une bâche avec une gouttière en dessous) que je noue quelques premiers contacts. Je taille le bout de gras, mon bigoudi à la main, avec un petit acnéique adorable. Devant mon air curieux, il me parle des proportions que vont prendre la soirée « j’étais dans l’orga l’an dernier, dans une heure, tu pourras te taper ce que tu veux ». Puis il ajoute « mais c’est plus facile quand tu portes ça » en montrant une sorte de petite triangle en argent accroché à sa cravate, symbolisant (je l’ai su plus tard) les diplômés de l’époque (les « gadzars », je crois).

À peine le temps de remballer mon matos que me voila parti vers d’autres horizons avec un ami de circonstance : Sylvain, son costume rayé et sa salvatrice bonhomie. « Plus tard, on ira derrière les bâches, on pourra surement voir des trucs. Tu sais, les filles ici… ». Nous entrons dans la « salle disco » qui est absolument blindée. La chaleur y est torride, j’ai de la buée sur mes lunettes. Dans cette ambiance survoltée, un DJ cravaté mixe aussi bien ses morceaux que ma Grand-mère fait du break dance. Dans la set list, que du banger : « Boys Boys Boys », « Girls Just Wanna Have Fun », « It’s Raining Men » etc. Tout ce qu’il faut, remarquons-le, pour mettre en confiance les chromosomes XX et faire remuer, robes à paillettes et talons hauts.

Après quelques pas esquissés au rythme du « Summer Nights » de Grease, 20syl et moi sortons de l’étuve afin de retrouver un certain Kévin (je les avais manifestement croisés à une soirée, il y a quelques mois, aucun souvenir) devant une autre salle, la plus grande. Nous entrons dans une sorte de hangar gigantesque (200m de longueur, facile). Sur le tapis rouge, passant entre deux rangées de tables emplies de vieux couples, nous arrivons devant une scène très moderne (genre, même dans une vraie salle de spectacle, c’est pas aussi bien) sur laquelle joue un gominé déchainé entouré de tout un big band. Ayant terminé un morceau dont je ne me souviens plus, le bellâtre quitte la scène, une choriste en minishort (je n’avais plus vu radasse aussi vulgaire depuis au moins plusieurs mois) prend le relais. Les tubes s’enchainent quand soudain le leader re-déboule sur scène, tout de blanc vêtu et flanqué de cinq claudettes avec des combinaisons à paillettes. Notre beau gosse entame un medley passionné du grand Cloclo, tout le monde lève les bras, bien sur, à ma gauche, un couple sexagénaire danse de façon étonnamment gracieuse. Au moment du refrain de « Magnolia Forever », je contemple la pleine lune par delà le toit vitré en réfléchissant à la notion d’infini. J’avais un petit coup de pompe, c’est clair.

Nous tombons là bas sur un ami de mes deux compères. Il s’appelle Alpha (« oui, c’est un surnom »), porte le costume officiel de l’école (un peu comme une tenue de parade de militaire anglais, si on peut visualiser ça) et ressemble vaguement à DJ Mehdi en plus pale ou Jean-François Copé, je ne sais plus très bien, enfin ces visages bruns un peu secs en somme. Alpha est un mec sérieux, plus âgé mais néanmoins très sympathique; étonnant comme ces gens sont sociables et avenants, c’est étonnant, c’est bien. Je lui explique vaguement le concept de Journalisme Gonzo puis ajoute, devant sa mine perplexe, « mais on est quand même là pour se marrer, hein ». Ca semble lui suffire, il m’explique du coup qu’il était dans la gestion des cinq bals précédents. « Une soirée comme celle là, ça nous coute dans les 100.000 euros et un soir comme ce soir, pas sur qu’on fasse de bénéfice, on devrait juste arriver à l’équilibre ».

Cloclo gomina devient un peu chiant alors on sort. Le temps de prendre quelques photos de circonstance (qui, je l’espère, ne tomberons jamais dans le domaine public), de croiser des potes perdus au début des réjouissances, on retourne vers la salle Disco. Malgré les multiples ambiances proposées sur le site, c’est la seule bonne option (la salle techno à l’air trop agressive et la salle salsa, bah, elle est trop salsa, quoi). De retour dans la fournaise, j’ai encore de la buée sur mes binocles et c’est encore « It’s Raining Men », que crache la sono. Sur le coup, je me sens un peu comme Bill Murray dans « Un Jour Sans Fin » mais l’inusable « Sunlight des Tropiques » de Gilbert Montagné me sort de ma torpeur.

La salle est proche de l’hystérie et c’est vrai que, bordel, il y a un nombre déraisonnable de filles sublimes au m² là dedans. Mes hommies Sylvain et Kévin tombent sur des petites meufs de leurs promos, la fête bat son plein, les rythmes s’accélèrent. L’atmosphère est saturée d’un mélange âcre et irrespirable de vapeurs de cyprine et de testostérone, de transpiration aussi. Il est 3 heures du matin, je suis face à une fille rencontrée plus tôt, dans l’avant soirée avec mes potes. Sur cette petite brune que je ne reverrais jamais, je pose une main comme un ballon d’essai. Il lui aura fallu 10 secondes pour trouver à me dire «  »je vais prendre un verre, dehors ». Ce fut, sans conteste, le moment le plus caliente de ma nuit.

Encore quelques mouvements d’épaules sur une musique électronique incertaine et nous revoilà dans le froid glacial de cette nuit automnale. J’ai la migraine, mal aux jambes et assez de matériel pour le présent article.

On dirait pas comme ça, mais c’était une bonne soirée. J’ai beaucoup ri, souvent aux dépens des autres de façon assez méprisable mais néanmoins très jouissive. J’ai passé sur le coté très « secte » des gens de cette école, « se parrainant » les uns les autres (et, ainsi, former «une « famille »), ayant certaines salles réservées, discutant dans un novlangue élaboré parce que toutes ces conneries de phénomène de caste n’ont pas existé durant la soirée. A aucun moment, je n’ai ressenti de mépris ou de condescendance venant de ces gens appelés à entrer un jour dans une certaine forme d’élite. En même temps, on parle de geeks boutonneux en costumes Celio flottants, remuant leurs boules sur du Sardou, alors ça aurait quand même été déconner. En tous cas, ce gala aura été une vraie plongée dans un monde parallèle, totalement inconnu jusqu’ici. Passionnant.

Dimanche matin, dans la navette arpentant l’autoroute me ramenant vers la grisaille citadine de Marseille, mon regard se promène puis tombe dans l’intérieur de la Peugeot 106 roulant sur la file de gauche. Le mec assis à la place du mort sort un cd de Kyo de la boite à gants. Les choses étaient soudain redevenues très normales.


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