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Egon Schiele - Vienne 1900

Publié le 23 novembre 2010 par Elisabeth1

schiele03_0.1290356594.jpg« Mon œuvre n’est pas moderne, elle est de toute éternité »
Egon Schiele


Egon Schiele, disparu tragiquement en 1918 à l’âge de vingt-huit ans, apparaît comme une figure d’exception parmi les artistes du xxe siècle. Considéré comme l’un des artistes majeurs du mouvement expressionniste, il est aujourd’hui, avec Gustav Klimt , le peintre autrichien le plus célèbre.
De par sa vie très courte, la fulgurance de son génie, sa liberté d’inspiration où, pour la première fois, s’expriment aussi crûment la sexualité et les tourments de l’âme, Schiele est devenu le symbole de l’artiste maudit, marginal et révolté. Pourtant, cette image trop univoque mérite d’être nuancée. Personnalité complexe, doué d’un immense talent, Schiele était aussi un être naïf, soucieux de reconnaissance, vaniteux même, plus habile qu’on ne le soupçonne d’ordinaire. Si, comme beaucoup de jeunes artistes, il a vécu dans le besoin, il n’a jamais connu la misère et a su s’attirer la protection de Klimt, susciter l’intérêt de collectionneurs et de quelques marchands, et gagner les faveurs d’un critique célèbre.
Son œuvre défie les classifications trop rigides, tour à tour révolutionnaire et traditionnelle, spontanée et sophistiquée, dépouillée et maniérée, introspective et exhibitionniste, elle met en scène le corps dans tous ses états mais s’attache aussi aux paysages et à l’architecture baroque de Basse-Autriche et de Bohême.

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Adolescent il passe tout son temps à dessiner, si bien que la famille finit par consentir à le laisser s’inscrire aux Beaux-Arts de Vienne. Il rencontre Klimt qui décèle immédiatement son talent, l’encourage et l’inspire. Dès ses débuts, la personnalité de l’artiste s’affirme à travers un trait nerveux, saccadé, la stylisation du sujet et sa mise en valeur sur la feuille de dessin ou sur la toile laissée vide.
Par sa précocité, sa fougue créatrice, l’audace de son inspiration et sa sensualité exacerbée, le parallèle s’impose entre Egon Schiele et Arthur Rimbaud. Une similitude dont le jeune artiste autrichien a plus ou moins pris conscience en lisant le poète français , comme lui il exprime avec la plus totale liberté ses tourments, ses angoisses, ses déchirements mais aussi ses désirs et ses fantasmes   Nul artiste, jusqu’ici, n’avait osé exhiber de manière aussi abrupte et directe sa sexualité et son malaise.

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Schiele ne cesse de se représenter dans toutes les postures et sous tous les angles, en torse ou en pied, multiplie les nus féminins, sa compagne Wally Neuzil lui sert de modèle –, ou croque des jeunes filles à peine nubiles dans les poses les plus osées.

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Cette période de totale liberté, sans doute la plus heureuse dans la vie de Schiele, passée en partie dans la ville baroque de Krumau en Bohême d’où est originaire sa mère, s’achève par la condamnation de l’artiste pour « pornographie et incitation à la débauche », et lui vaut d’être incarcéré pendant vingt-quatre jours en avril 1912. 125 dessins, dont de nombreuses représentations d’enfants nus, font que l’artiste est soupçonné, injustement, d’avoir abusé d’une fillette. Durant les 24 jours de détention, traumatisants pour l’artiste, il  réalisa une série de 13 travaux dont l’autoportrait. Un homme désespéré, avec une barbe de plusieurs jours, les yeux cernés, enveloppé dans un manteau brun-rouge, beaucoup trop grand. Il se trouve curieusement déséquilibrée, malgré sa posture verticale, comme s’il s’abîmait en lui-même.
Il a accompagné son image d’une inscription

« Entraver l’artiste est un crime, cela revient à assassiner une vie en germe »

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Le séjour en prison, aussi bref soit-il, a beaucoup marqué l’artiste, le trait devient plus dur, la ligne plus anguleuse, le motif plus construit. Les visages perdent de leur expressivité, deviennent plus hiératiques. Les peintures aux formes cernées rappellent les vitraux des cathédrales gothiques, tandis que Schiele se représente sous les traits d’un moine au côté de Klimt. Dans ses autoportraits sur papier, il ressemble à ces saints souffrants qu’on peut voir sur les bas-reliefs en bois sculpté des églises autrichiennes. L’évolution de sa vie privée et la pression des événements extérieurs vont amener Schiele à infléchir son style une nouvelle fois.
C’est alors que survient le drame : trois jours après avoir enterré son épouse Edith qui attendait un enfant, Schiele meurt à son tour le 30 octobre 1918, victime de la grippe espagnole.
Mutter und Kind (Femme avec enfant), 1910
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Se distinguant de l’érotisme léger de Klimt, celui d’Egon Schiele est plus direct et plus brutal dans sa matérialité immédiate. Ici, le corps de la femme au regard séducteur semble se fondre avec celui de l’enfant. Les mains sont longues décharnées, les muscles étirés, certains croquis évoquent les écorchés aperçus à Bologne, avec des colorations des muscles bleus, mauves, tourmentés, révélant la nature de Schiele.
Kardinal und Nonne (Cardinal et Religieuse), 1912
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Il s’agit d’un des tableaux d’Egon Schiele qui ont fait scandale en leur temps et n’ont peut-être pas fini de choquer. L’artiste y brise un tabou. Mais ce tableau offre en même temps une grandiose représentation de la solitude de deux êtres humains qui ne sont pas autorisés à faire ce qu’ils font.

Häuser und bunte Wäsche (Maisons avec linge de couleur ), 1914
Egon Schiele était également un maître du paysage urbain. Ses tableaux d’immeubles aux contours anguleux comptent parmi ses meilleures œuvres. On ne peut qu’admirer le brio avec

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lequel il décline toute la palette chromatique à travers la représentation de linge étendu.

Non seulement l’œuvre de Schiele dérange par sa violence d’expression, sa crudité et parfois sa morbidité, mais elle déroute aussi par ses bifurcations, ses chemins de traverse.

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