Avant de se consacrer à la vie du rail (The taking of Pelham 123, Unstoppable), et de se vautrer dans l'expérimentation visuelle complaisante et totalement vaine (Domino constituant à ce titre l'oméga du magma indigeste que déverse sur les écrans le réalisateur depuis quelques années avec la précision d'un métronome), il fut un temps où Tony Scott parvenait à trousser des oeuvres véritablement réussies, à l'image de The last boy scout (Le dernier samaritain), Crimson tide (USS Alabama) ou encore le méconnu Revenge.
True Romance constitue son film le plus réussi, et clairement l'un des meilleurs longs-métrages des années 90. Sur un scénario écrit par Quentin Tarantino (grand fan de Scott), True Romance fait partie de ces oeuvres miracles dans la filmographie d'un metteur en scène, de celles qui s'élèvent au-dessus des autres pour finalement atteindre le statut de classique pour toute une génération. En effet, quiconque a eu la chance de découvrir le film en salle en est ressorti avec le sentiment d'avoir assisté à une oeuvre unique, émotionnellement inoubliable, avec une seule envie, le revoir encore et encore (ce qui fut mon cas).
True Romance raconte l'histoire de Clarence (Christian Slater) et Alabama (Patricia Arquette), couple de Detroit fraîchement marié se retrouvant en possession d'une mallette remplie de drogue appartenant à la mafia. Décidé à revendre le tout pour s'installer au soleil, Clarence et Alabama vont être entraînés dans une spirale de violence au cours de laquelle ils croiseront des mafiosi, un producteur de cinéma, un mack, un père absent et des amis fidèles. Leur épopée sanglante n'aura d'égal que le profond amour qui les relie.
Car True Romance est avant tout une très belle histoire d'amour, le titre du film ne laissant aucune équivoque sur les intentions de Scott et Tarantino.
Ainsi, toutes les actions des deux protagonistes seront motivées par l'indéfectible amour qu'ils se portent, et qui leur permettra de se lancer sans filet dans des situations plus dangereuses les unes que les autres (voir à ce titre la scène dans laquelle Clarence débarque seul dans l'antre de l'ancien souteneur de sa compagne au début du film). Le principe même de revendre la drogue dont ils sont en possession témoigne à lui seul de l'inconscience partagée par le couple, corollaire de l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre. Par ailleurs, les nombreuses scènes de violence qui parsèment le film ne seront que l'expression de la force sans bornes de leurs sentiments, les évènements les contraignant à traduire par la violence l'amour qui les relie, afin de le préserver et le faire s'épanouir.
Lorsque le scénario de True Romance commença à circuler à Hollywood, les acteurs qui eurent la chance de l'avoir entre les mains voulurent à tout prix jouer dans le film, quitte à revoir leur salaire à la baisse. Le casting du film parvint ainsi à réunir , outre Christian Slater et Patricia Arquette, des noms aussi prestigieux que Dennis Hopper, Christopher Walken, Gary Oldman, James Gandolfini, Val Kilmer, Brad Pitt, Chris Penn ou encore Samuel L Jackson. Tous dans des seconds rôles, ils sont inoubliables et participent de la réussite du film, ce dernier proposant des personnages secondaires extrêmement travaillés (ceci expliquant la fougue des acteurs précités à vouloir jouer dans le long-métrage).
Le film possède en outre l'un des face-à-face les plus mémorables du cinéma, opposant Christopher Walken à Dennis Hopper, le premier incarnant un mafioso
(l'antéchrist, selon les propres termes du personnage), le second jouant le rôle du père de Clarence, un flic à la retraite vivant dans une caravane. La séquence tutoie le sublime non seulement
par le jeu des comédiens, d'une justesse à toute épreuve, mais surtout par l'incroyable qualité du dialogue entre les deux personnages. Le discours tenu par Dennis Hopper à Christopher Walken sur
les Maures de Sicile compte ainsi parmi les plus inoubliables et jubilaoires du 7ème art, toute la scène étant imprégnée du drame inéluctable à venir, souligné notamment par le sublime Viens
Mallika sous le dôme, tiré de l'opéra Lakmé. Se sachant perdu et n'ayant dès lors comme seul souci que de protéger son fils, le personnage de Hopper ira provoquer son bourreau
dans un ultime baroud d'honneur, une Chestefield à la main, celle du condamné. Cette seule scène justifie à elle seule le visionnage du film, tant elle constitue un modèle d'écriture, de
jeu et de mise en scène.
True Romance constitue d'autre part une oeuvre pleinement représentative de la pop culture chère à Tarantino. Le film sera à ce titre parsemé de références musicales et cinématographiques (Sonny Chiba, Elvis Presley, le film The mack, les comics, entre autres), faisant baigner l'histoire et ses principaux protagonistes dans un monde où l'art populaire a nourri toute une génération et n'a pas à rougir de ses références (le dialogue dans la salle de projection entre Clarence et le producteur hollywoodien ne constituant ni plus ni moins que le point de vue personnel de Quentin Tarantino sur le cinéma).
L'émotion brute qui se dégage de True Romance, exempte de tout cynisme mais au contraire toujours bouleversante, nous saisit à répétition le ventre et le
coeur. Qu'il s'agisse de la scène opposant Patricia Arquette à James Gandolfini, du duel Hopper/Walken ou encore de la séquence finale sur la plage, le film de Tony Scott ne cesse de nous
émouvoir, créant une empathie dévorante envers des personnages extrêmement attachants. Car c'est bien dans l'émotion que le film gagnera ses jalons d'oeuvre phare. Certes il y a violence, certes
l'humour est présent, mais c'est le coeur qui est visé. Et le notre de battre au rythme de celui de Clarence et d'Alabama, longtemps, bien longtemps après la projection.