Pour Jean-Yves Dubath, la ligne droite n’est jamais le plus court moyen d’aller d’un endroit à l’autre.
Il nous promène dans ses livres à la manière d’un Rousseau méditatif, qui herboriserait dans une vaste forêt, choisirait le sentier le plus tortueux mais le plus pittoresque, quitterait à chaque instant sa route pour nous désigner une plante rare ou curieuse, se perdrait, se retrouverait ou presque, pour mieux s’égarer encore, évidemment. Ainsi faite de détours, d’arrêts, de digressions, la flânerie dans les livres de Dubath est ondoyante, sinueuse, divertissante, aventureuse, déconcertante, délicieuse.
Dubath a déjà publié plusieurs livres. Dans Gainsbourg et le Suisse, notre auteur contait sa rencontre avec le chanteur célèbre. Noël, héros très helvète se passe dans les milieux de la lutte suisse. Gazmend en guerre traite, plus ou moins, de la guerre du Kosovo ou du moins d’un Kosovar nommé Gazmend. (Les deux derniers livres publiés sous le pseudonyne de Jean-Yves Bénévent).
Après tous ces sujets variés, Jean-Yves Dubath nous revient avec un thème sérieux. Historique. Napoléon Bonaparte.
Ou plutôt pas tout à fait. Car la mise en scène de Bonaparte et le Saint-Bernard est raffinée: le narrateur, un personnage actuel, est engagé par Monsieur Oth pour donner des leçons particulières à sa fille, et stimuler son goût de l’étude. Il tombe amoureux d’elle, et finit par l’étrangler avec sa cravate.
Oh, bien sûr, je simplifie! Si vous croyez que Dubath se permet une intrigue claire, linéaire, vous ne connaissez pas notre auteur!
Le narrateur, donc, pour intéresser Mademoiselle Oth (quand elle est encore vivante), lui parle du passage de Bonaparte au Saint-Bernard. Vous savez, lorsque le consul a traversé les Alpes pour retourner se battre en Italie.
La vérité historique? La voici, version Wikipédia: « C’est avec la traversée des alpes par l'armée de réserve le 13 mai 1800 que Napoléon intervient dans la deuxième campagne d’Italie, déclenchée par la reprise de Milan par les Autrichiens. Il fallait surprendre les Autrichiens du général Melas et fondre sur eux en profitant de l’effet de surprise. Avec son armée de réserve il passe le col du Grand-Saint-Bernard, le corps du général Moncey franchit le Saint-Gothard et le corps du général Turreau se dirige vers le col de Montgenèvre. Le 18 mai, Bonaparte quitte Martigny et se met en route vers le Grand Saint-Bernard. Le 20 mai, habillé d’un uniforme bleu que recouvre une redingote blanche et coiffé d’un bicorne couvert de toile cirée, il monte une mule, et escorté par le guide Dorsaz, il traverse les sentiers escarpés du sommet alpin.
Du 15 au 21 mai, les troupes gravissent les monts et acheminent des tonnes de matériel et l’artillerie logée dans des troncs d’arbres évidés pour en faciliter le transport. L’artillerie fut retardée au fort de Bard par la résistance des Autrichiens, mais le reste de l’armée fut au rendez-vous de la première bataille importante à Montebello. »
Tout ceci ou presque, on le retrouve chez Dubath. Mais haché, disposé dans un ordre bien personnel.
Le texte insiste sur des détails plaisants. Le nombre de bouteilles bues au col: 1172 pour le 16 mai, par exemple. Le nombre de sapins abattus (2037 à 6 francs pièce) et le nombre de mélèzes coupés (3150 à 8 francs 50) pour faire passer l’artillerie à quoi ils servaient de charriot-luge.
Et puis il y a l’histoire du narrateur et de Mademoiselle Oth! Il pourrait y avoir bien d’autres choses encore. On apprécierait tout autant.
Car les sujets que choisit Dubath témoignent surtout d’un art: celui qu’a notre auteur de faire de la littérature avec tout.
Jean-Yves Dubath, Bonaparte et le Saint-Bernard, Editions d’autre part
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