
Pour sa génération Gilles, c'était Julie ou Stéphane.
Julie parmi les Julies, Stéphane parmi les Stéphanes, sa manière à lui de se distinguer à d'abord été de couper un "l" un "e" et un "s" de son prénom.
Il aura détesté son père. Il l'écrira plus tard. Il ne l'a pas haï autant qu'il a honni Pierre Eliott Trudeau mais l'intensité haineuse y était.
Il a collaboré comme journaliste aux émissions Le 60, Métro Magazine, Présent National, L'Évènement, il a été scripteur puis a animé Enjeux, il a animé Contact à Télé-Québec, il a été animateur, analyste, correspondant pour les émissions Télémag, Première Page, le Point entre 1980 et 1986.
(Pourrions-nous entendre et voir un reportage aussi honnête et belliqueux que le lien que j'ai placé sur nos ondes de nos jour?)

Pendant 8 ans, il a tenu une chronique dans Le Soleil et Le Devoir sur la politique internationale. Plusieurs des textes publiés dans ses chroniques sont regroupés dans sa publication Chroniques internationales.
On peut dire à juste titre qu'il fait parti de cette première génération qui ont créé le métier de pigiste.

Il a aussi réalisé du documentaire. Un sur Paul-Émile Léger, une série de témoignages intitulée Soleil Dans La Nuit pour TV5, un documentaire sur le sida au Rwanda. C'est lui aussi qui a écrit les paroles de notre we are the world Québécois dans les années 80.
Il publie un titre qui reflète totalement la personalité de l'homme à la voix feutrée en 1989, Douces Colères.
Dix ans plus tard, inconsolable dans son cynisme ascensionnel, il publiera, Nouvelles Douces Colères.

J'ai ensuite entendu l'auteur à la radio. Sa voix sourde qui faisait écho à des colères convaincues mais posées. Une voix fatiguée d'avoir trop crié dans le désert. Une voix rance mais toujours touchante.
J'ai acheté aveuglément le livre suivant, Une Belle Mort. Ce qui m'a d'abord frappé c'était cette maturité émotive que je sentais faillir. Bien que Courtmanche parlait davantage de sa famille que de lui-même (pas vrai: un écrivain parle toujours de lui-même) il trahissait une certaine chute dans la maturité émotive. Un réflexe plaintif. Mais justifié. Une lourdeur. On en fait un film en ce moment et il sera impossible d'en esquisser un rictus.

Gil Courtemanche est actuellement chroniqueur au journal Le Devoir.
Il est aussi en nomination pour le grand prix litréraire Archambault pour son livre Je Ne Veux Pas Mourir Seul. (Voyez? même le titre est suppliant)
Il était en nomination devrais-je dire car il a demandé de faire retirer sa nomination par soutien pour les 250 journalistes mis en lock-out depuis 455 jours par le tyran Pierre-Karl "je suis pas un voyou, juste un sale" Péladeau.
Je salue ce geste venant d'un homme totalement intègre et très (trop?) intelligent.
Une pression s'est soudainement placée sur Biz, Martine Desjardins, Jean-Simon Desrochers, Pierre Gagnon, Dany Laferrière, Marie-Renée Lavoie, Suzanne Myre, Jean-Jacques Pelletier, Patrick Sénécal, Kim Thuy, Isabelle Berrubey, Bïa Krieger, Françoise Bouffière, Geneviève Lefevbre, Martin Michaud, Guy Mouton, Marc Séguin et le fantôme de Nelly Arcan.

Il serait injuste d'imposer la même prise de position à tous ses auteurs qui, sauf quelques uns (Laferrière, Myre, Pelletier) ne doivent pas être particulièrement fortuné ailleurs que dans leur talent. Il s'agit de 24 000$ en bourse que ses auteurs s'exposeraient à perdre en mordant la main du colonisateur.
Mais Courtemanche a quand même visé juste.

«Que Péladeau fasse quelque dollars avec mes livres m'importe peu. Je pense que la cohérence réside dans le fait de dénoncer publiquement et de combattre la marque de commerce.»
Combattre la marque de commerce?
Ouais...mais comment vivre sans argent?...
Faut bien vivre.
Et pour vivre le commerce est essentiel.
Oui PKP et son empire sont archiméprisables mais bon...
Gil a choisi de se dessiner un territoire de guerre.
Chapeau, ça prend des couilles.

Mais ça prendrait plus de soldats, qui ne seraient pas dans les exactes mêmes conditions de pauvreté que les journalistes sur la rue, pour tirer dans les genoux du voyou.
Sinon Gil va vraiment mourir seul.