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Je meurs d'amour pour toi...

Par Liliba

Isabelle de BOURBON-PARME

Je_meurs_d__amour_pour_toi
Présentation de l'éditeur :

Isabelle de Bourbon-Parme, petite-fille de Louis XV, épousa en 1760 le futur empereur joseph II. Cette jeune femme d'une intelligence exceptionnelle séduisit la cour de Vienne et tomba éperdument amoureuse de... sa belle-soeur, l'archiduchesse Marie-Christine. Ses lettres et billets, découverts par Élisabeth Badinter - qui les présente ici dans une passionnante introduction -, révèlent une personnalité hors du commun, douée d'un véritable talent d'écriture. Et l'on suit jour après jour les tourments de la passion de cette princesse pleine d'esprit qui mourra à vingt-deux ans...

Impossible de résister à l'attrait du titre quand il m'a été proposé par Le livre de Poche ! D'une part, parce qu'une belle histoire d'amour de temps en temps, ça fait du bien, et puis aussi parce que je me délecte depuis toujours de ce langage du 18ème siècle, des tournures de phrases, expressions...

Je n'avais, excusez mon inculture, jamais entendu parler de cette princesse, ni lu un seul de ses écrits. Je me suis donc plongée avec avidité dans la lecture de ce livre. Élisabeth Badinter nous offre ici une préface absolument passionnante, nous relatant non seulement le contexte familial, historique et politique de la naissance d'Isabelle, mais aussi toute sa jeunesse et ensuite sa vie à la cours d'Autriche après son mariage avec l'Archiduc.

On comprend ainsi qu'Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1763) était dès son plus jeune âge une personne tout à fait remarquable : petite-fille de Louis XV du côté maternel, et petite-fille de Philippe V d’Espagne du côté paternel, elle aura, si ce n'est une enfance heureuse (père absent et mère trop jeune et peu aimante), au moins une enfance protégée, et surtout l'accès à l'éducation et la culture, ce qui était à l'époque fort rare, qui plus est pour les femmes. Elle était de plus apparemment dotée de tous les charmes et de toutes les qualités : jolie sans être belle, un beau maintien, charmante avec tous, gaie, habile musicienne, peintre douée, capable de chanter en société et de converser en 4 langues... bref, parfaite pour pouvoir conclure un mariage de haut rang. Elle épouse donc le futur empereur Joseph II d’Autriche, et malgré ses quelques appréhensions face à cette famille inconnue et à la nouvelle vie qui l'attend, elle séduit rapidement tout son entourage. Sa belle-mère Marie-Thérèse est en folle, son mari en sera au final très amoureux, malgré ses réticences premières et elle va également gagner le coeur de sa belle-soeur.

Car oui, les deux jeunes femmes (très jeunes : Isabelle a 19 ans quand elle se marie) s'éprennent l'une de l'autre et si Madame Badinter émet un doute quand à leur relation, la lecture des 194 lettres présentées dans cet ouvrage nous les enlève bien vite. Certaines lettres sont assez banales et peuvent même paraître fades, mais d'autres sont totalement enflammées, le reflet d'une femme amoureuse, passionnée, jalouse et possessive aussi parfois, ressentant tour à tour désir, douleur de séparation ou excitation de l'attente...

Dans le pur style de l'époque, c'est à dire un langage aussi fleuri que cru, aussi ampoulé que terre à terre suivant les sujets abordés, Isabelle s'adresse à sa bien-aimée : “Mon cher ange”, “Mon plus précieux trésor”, “Ma consolation”, qu'on pourrait au début peut-être croire innocemment de doux noms d'amitié intense, mais qui sont suivis souvent par des termes on ne peut plus explicites sur leur relation : "Adieu, je vous baise, chère Soeur, et vous aime à la rage", ou mieux encore : "Adieu je baise votre adorable cul, me gardant bien de vous offrir le mien qui est un peu trop foireux" (car oui, à l'époque, on ne se privait pas d'aborder en société ses petits problèmes médicaux : coliques et détail des selles, rien n'est épargné à notre curiosité !) ou "Je vous baise tout ce que vous laissez baiser" ou encore "À propos, le visage est un peu malade mais votre place favorite ne [l’est pas]", "Il pourrait bien arriver que nous nous embrassions jusqu’à en mourir"...

Là, bien sûr, plus question d'amitié, nous sommes bel et bien dans une relation amoureuse et charnelle entre femmes, jusqu'à des déclarations torrides : "Je suis amoureuse de toi comme une folle, saintement ou diaboliquement, je vous aime et aimerai jusqu’au tombeau…",   et bien sûr le titre repris pour le livre : "Je meurs d’amour…"

Il semble également qu'Isabelle ait été aussi très fine psychologue et surtout très habile stratège, ce qui était sans doute indispensable pour vivre sans problèmes dans cette micro-société ou chacun n'avait de cesse de dire du mal des autres et si possible de prendre sa place ou ses faveurs. Il fallait aussi faire montre d'une sacrée personnalité pour vivre pleinement une passion saphique en plein coeur de la cour d'Autriche, qui n'était pas vraiment réputée pour sa liberté de meurs (bien plus stricte que la cour française, très libertine). La jeune princesse portait souvent sur la cour et sur ses membres un regard très lucide et d'une maturité assez impressionnante pour son jeune âge, ainsi les conseils qu'elle prodigue à sa bien-aimée sont-ils tous assez intelligents et judicieux, et les "Conseils à Marie" vraiment pertinents.

Il est vraiment dommage qu'épuisée par ses fausses couches à répétition, elle soit décédée si jeune, sans avoir le temps de vraiment mûrir et de laisser à la postérité d'autres écrits qui eussent été sans doute tout à fait passionnants. Elle pressentait d'ailleurs une courte vie, consciente de la charge qui pesait sur ses épaules et de son devoir de se soumettre à son pays et son mari pour donner enfin l'héritier attendu, quitte à en mourir... Mais n'est-ce pas là le rôle de la femme : "Esclave en naissant des préjugés du peuple, elle ne naît que pour se voir assujettie à ce fatras d’honneur, à ces étiquettes sans nombre attachées à la grandeur" ?

On peut cependant regretter n'avoir dans cet ouvrage que les lettres d'Isabelle. Si elles sont intéressantes et même souvent très amusantes à lire, j'aurais aimé aussi avoir des extraits de ses autres écrits (plus longs que ceux cités dans la préface) : Les aventures de l'Etourderie, écrit alors qu'elle n'était qu'une enfant, les Remarques politiques et militaires ou les Réflexions sur l'éducation. Car j'imagine que ce sont grâce à ces écrits-là plutôt que dans les lettres (somme toute assez banales de part le sujet : l'amour) que cette jeune femme a mérité le titre de  "princesse philosophe". Dommage aussi qu'il n'y ait plus trace des réponses de Marie-Christine...

En définitive, une lecture passionnante, mais qui m'a malgré tout laissée sur ma faim...

Un grand merci au Livre de Poche pour cette découverte !

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