Magazine Culture

10e ANNIVERSAIRE DU CERCLE PROUSTIEN de CABOURG-BALBEC

Publié le 29 novembre 2010 par Abarguillet

10e ANNIVERSAIRE DU CERCLE PROUSTIEN de CABOURG-BALBEC  

Il faisait beau - Proust aurait aimé cette lumière opale sur la mer - et nombreuses étaient les personnes présentes pour le 10e anniversaire du Cercle Littéraire Proustien de Cabourg-Balbec, ce 20 novembre 2010. Le rendez-vous avait été fixé à 15 heures au Grand-Hôtel, où l’écrivain rédigea une grande part de sa Recherche, durant les étés qu’il a passés dans cette station balnéaire de 1907 à 1914. La direction avait transformé la célèbre salle à manger que Proust s’est plu à comparer à un aquarium - à cause de ses larges baies ouvertes sur la digue - en salle de concert, afin d’y recevoir les 130 privilégiés qui allaient avoir la chance d’entendre, interprétée pour la première fois, l’œuvre d’un prix de Rome, le toujours jeune compositeur de 89 ans Claude PASCAL et sa sonate dite de Vinteuil. Cette sonate, née dans l’imaginaire de Marcel Proust, personne n’avait encore envisagé de lui donner une vie autre que littéraire, si bien que les critiques se plaisaient à en surprendre le phrasé dans une sonate de César Franck, de Fauré ou de Debussy. Il a fallu attendre 2010 pour que réapparaisse, sortie miraculeusement des archives de la villa Médicis, grâce à l’historienne d’art Annie Verger, une partition originale d’un certain Claude Pascal, résurrection qui illustre une fois encore les miracles que Proust est toujours en mesure d’accomplir pour nous persuader que le temps, s’il se perd, ne cesse pas de se retrouver.

Commencée à Rome en 1946, abandonnée puis reprise, cette sonate, dite de Vinteuil, fut longue à réaliser tant l’enjeu était d’importance et le défi impressionnant. Achevée, elle sera aussitôt oubliée, la carrière du compositeur le sollicitant ailleurs et autrement. Claude Pascal va désormais se consacrer à une œuvre riche et diverse, composer des quatuors, des fugues, des sérénades, des sonates, des concertos, devenir critique musical au Figaro, membre de l’académie Charles Cros et fonder une famille en épousant la jeune fille anglaise qu’il avait croisée dans les escaliers de la villa Médicis. Vie bien remplie d’un musicien qui a conservé, malgré l’âge, une extraordinaire jeunesse d’esprit.


10e ANNIVERSAIRE DU CERCLE PROUSTIEN de CABOURG-BALBEC
  Claude Pascal  
10e ANNIVERSAIRE DU CERCLE PROUSTIEN de CABOURG-BALBEC
   Debussy

Mais le concert devait s’ouvrir sur une autre sonate, ô combien belle !, la sonate n° 26 en mi bémol majeur de Beethoven, dite « Les adieux » , réalisée entre 1809 et 1810 et dédiée à l’archiduc Rodolphe d’Autriche, le plus jeune fils de l’empereur, contraint de quitter Vienne à la suite de la marche triomphale des armées napoléoniennes. Difficile d’exécution, elle fut brillamment interprétée par le pianiste Simon Zaoui, tantôt pathétique, tantôt plus joyeuse, plus sereine et apaisée dans son dernier mouvement « Le retour »  … celui de l’archiduc dans sa capitale. Cette sonate fut suivie de la sonate pour piano et violon de Claude Debussy, œuvre ultime, celle des larmes refoulées, des tourments et des inquiétudes, véritable requiem d’un homme malade, miné par le cancer qui devait l’emporter dans la nuit du 25 au 26 mars 1918. Antoine Goléa devait qualifier cette sonate poignante de « véritable cri de mort ». Mais bien qu’éprouvé par la guerre et la maladie, Debussy voulait laisser une œuvre pleine de vie, car l’esprit souffle où il veut. C’est la raison pour laquelle, la sonate se pare d’ironie tendre et de nostalgie, se refusant au désespoir et offrant au violon la part la plus belle, le faisant tour à tour chanter et sangloter avec des éclats passionnés et une angoisse diffuse que sut très bien rendre la charmante Yuri Kuroda, violoniste japonaise de grand talent, qui a conquis le public par la grâce, la ferveur et la délicatesse de son archet.

C’est seulement alors que le concert devait se conclure par la grande première, l’événement rare que fut la résurrection de la sonate dite de Vinteuil pour violon et piano, remontée de l’oubli en sa version ardente et passionnée qui se joue de l’intemporalité, afin de mieux coïncider avec l’œuvre du romancier, le compositeur, comme l’écrivain, se situant en un ailleurs sans cesse à redéfinir. Le travail d’interprétation de Yuri Kuroda et de Simon Zaoui fut tout à fait remarquable et d’une grande virtuosité en ses envolées lyriques chargées d’exprimer le sentiment amoureux de Charles Swann pour Odette.


« D’abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonné de sa compagne ; le violon l’entendit, lui répondit comme d’un arbre voisin. (… ) Est-ce un oiseau, est-ce l’âme incomplète encore de la petite phrase, est-ce une fée, un être invisible et gémissant dont le piano ensuite redisait tendrement la plainte ? ( … ) Elle était encore là, comme une bulle irisée qui se soutient. Tel un arc-en-ciel, dont l’éclat faiblit, s’abaisse puis se relève et, avant de s’éteindre, s’exalte un moment comme il n’avait pas encore fait : aux deux couleurs qu’elle avait jusque là laissé paraître, elle ajouta d’autres cordes diaprées, toutes celles du prisme, et les fit chanter. »

Extraits de Du côté de chez Swann

Pendant que le public se dispersait jusqu’à l‘heure de l’apéritif dans le hall du Grand-Hôtel, la salle à manger retrouvait son ordonnance habituelle et les cuisiniers s’empressaient de jouer leur variation en nous concoctant un dîner selon le goût que pouvait avoir une Madame de Villeparisis ou une Madame Verdurin, ou, mieux encore, selon les idées gourmandes d’une Françoise. Les tables juponnées, les couverts et la verrerie bien disposés, les lustres majestueux, tout était de nouveau en place dans l’aquarium, et même là-bas, dans l’angle de la pièce, tardivement attablé, celui qui ne cessera jamais de filer ses phrases, d’ajuster ses mots, et d’être de cœur et d’esprit…fabuleusement présent.
Pour prendre connaissance des articles de la rubrique LITTERATURE, dont le  DOSSIER PROUST, cliquer  ICI


10e ANNIVERSAIRE DU CERCLE PROUSTIEN de CABOURG-BALBEC
  
10e ANNIVERSAIRE DU CERCLE PROUSTIEN de CABOURG-BALBEC

   Simon Zaoui   Yuri Kuroda

 

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Abarguillet 168 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines