Il fallait bien évacuer la frustration née de ce set avorté à Rock en Seine, et la date prévue à Lyon tombait comme une opportunité extraordinaire, ou presque. Une compagnie low-cost a rendu le voyage accessible en avion, et puis pour les Canadiens, je ne compte pas. Grâce à l'ami Twist (que je remercie pour la pinte), j'arrive en temps et en heure devant la grande salle lyonnaise. Par en temps et en heure, je veux dire sur le coup de 18h (pour un début à 20h), mais la tentation de la barrière est trop grande !
L'objectif est à 90% atteint, puisque seule une personne me sépare de la fameuse barrière, qui délimite donc la fosse à photographes (peu nombreux en fait). Et je n'ai pas une seconde regretté cet emplacement de choix, forcément l'idéal pour apprécier à sa juste valeur la prestation démentielle de Fucked Up. Démentielle non pas musicalement, même si j'ai fini par être pris par ce mélange shoegaze / metal / noise avec chant hardcore, mais plutôt par la prestation hors norme de Damian Abraham, l'imposant chanteur du groupe. Quelle énergie ! Les couches de vêtements tombent, et le nounours hurleur se promène d'abord au premier rang ("Fais un sourire !", "Hug !"), puis il enjambe la barrière et vérifie la longueur du câble de son micro. vérification effectuée, il y a bien une quinzaine de mètres, autant de latitude pour faire frotti frotta avec le public, mi-mort de rire, mi-inquiet de voir débarquer ce gros bonhomme. Allez, une demi-heure et puis s'en va, mais un gros spectacle assuré par un groupe qui joue sur de bien plus petites scènes d'habitude, et semblait du coup super content d'être présent. (photo, mais pour info, il ne s'est pas ouvert le crâne, au concert, en tout cas il ne m'a pas semblé)
Le MySpace de Fucked Up
Ce qui est bien avec ces espèces de grande-messe en concerts, comme l'était ce concert (plus de 7000 personnes), c'est le respect des horaires. Eh oui, à 21h pétantes, la troupe d'Arcade Fire monte sur scène, et pour une fois au premier rang, je m'attarde sur des détails à la con. Win Butler doit chausser du 50 (on dirait des chaussures de clown), Régine a une tenue "j'ai mis de la colle sur ma robe et je me suis roulée dans des confettis brillants", Sarah Neufeld une drôle de coupe (entre GI Jane et une punkette) et des bras de nageuse, mais tout de même du charme. Bon, c'est pas tout ça, ils sont là pour jouer de la musique. Et le début - cela vaut pour les trois premiers morceaux - est identique à Rock en Seine : "Ready to Start" / "Keep the Car Running" et "Neighbourhood #2 (Laika)", l'occasion de brosser d'un coup un panorama des trois disques, et de vérifier que le groupe est en bonne forme, toujours avec ce petit grain de folie, cette énergie bien dirigée au service des compositions toujours aussi riches en live. Régine prend les commandes du set pour un duo "Haïti" / "Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)", ce dernier confirmant son potentiel dansant et catharsique, si l'on en juge par la danse de notre chanteuse, assez en voix ce soir. La setlist laisse une très grande place à "Funeral", avec une superbe version de "Une année sans lumière", et le diptyque toujours aussi efficace "Neighbourhood #3 (Power Out)" / "Rebellion (Lies)". Paradoxalement, c'est "The Suburbs" qui est un peu mis de côté en tant qu'album, avec néanmoins une version furieuse de "Month of May" et la tarabiscotée mais captivante "Roccoco". Le public est relativement sage, même s'il y a quelques coups de chaud : il y a un peu de respect, de retenue qui semble sinon anesthésier le public mais en tout cas diminue les pogos idiots sans raison. Peut-être quand même a t-il manqué une étincelle de plus pour faire basculer le concert, qui aurait pu le faire passer de superbe best-of (avec "My Body Is a Cage") à concert d'anthologie. Mais il ne faut pas bouder son plaisir : en live, Arcade Fire domine énormément de groupes de la tête et des épaules, de par des compositions à l'éclat inaltérable ("Wake Up", "No Cars Go") et une énergie formidable (Will Butler est toujours un grand malade). Bref, un très très beau moment...
Le site officiel / La chronique de "Neon Bible"
Des photos du concert signées Romain Massola