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Journal d'une âme : Saint-Nicolas en chocolat (30-10-2010)

Par Manus

Journal d'une גme : Saint-Nicolas en chocolat (30-10-2010)

                                                         Photo du site keldelice.com 

Ce matin : direction Colruyt.  Cette grande surface alimentaire me permettra d’acquérir une dizaine de Saint-Nicolas en chocolat pour mes enfants qui pourront, dès ce soir, déposer leurs pantoufles près de la cheminée.  Ils se réjouissent et attendent ce moment avec impatience : les jours sont décomptés, à chaque repas l’un ou l’autre nous interrogent afin de connaître la date butoir à laquelle Saint-Nicolas débutera ses visites quotidiennes avant LA grande visite ; les pantoufles sont parées pour être mise en rang comme des soldats au garde à vous, au point que certaines paires se retrouvent déjà à l’endroit de passage du Saint et de son âne.  Leur innocence et leur joie enfantine m’émeuvent encore et toujours : par effet ricochet, je me remémore mes souvenirs d’enfance où, à la même période, je constatais avec effroi que la carotte s’était raccourcie – « même que l’on voit la trace des dents de l’âne » insistaient mes sœurs aînées ou mes parents, que je croyais, les yeux ronds.

Colruyt, donc, ce matin.

Je déambulais dans les rayons, achetais le nécessaire, non sans éprouver, néanmoins, un sentiment de malaise : tout ce faste…

Il ne s’agit pas du fait que je me culpabilise de permettre aux enfants de vivre ces joies simples, mais cette fois-ci, alors que les autres années je vivais ces périodes sans trop me poser de questions, cette fois-ci, je m’en pose.  Et je ne suis pas tranquille.

Quelques heures plus tard, cet état ne s’est pas amélioré lorsque je m’engageai dans une rue commerciale en vue d’acheter un cadeau pour l’une de mes filles.

Les boutiques rutilaient de vêtements bling-bling et de décorations de Noël, les rues étaient ornées de guirlandes étincelantes, l’air dégageait, outre le froid et la neige, un bruissement :  celui des préparatifs avant les fêtes.

Et moi, j’étais complètement ailleurs.  Là, ainsi, à éviter les gens pressés, à m’écarter pour leur laisser le passage ; avec le cœur plongé dans celui du Christ, je me demandais ce que je foutais au milieu de cette agitation.

J’éprouvais toujours ce malaise.

Que m’arrivait-il ?

A un moment donné, j’ai dû brusquement me rabattre sur la gauche : un type qui visiblement se croyait seul sur le trottoir, avançait comme un rouleau compresseur.

Du coup, je me suis vue trébucher sur un mendiant : assis à même le sol, les genoux repliés contre lui, les bras enserrant ses jambes et le visage enfoui à l’intérieur de son corps, il était silencieux et grelottait de froid.  A ses pieds, sur les pavés, un gobelet en carton.  J’étais debout face à lui, les bras ballants, à me laisser envahir par l’odeur d’alcool qui émanait de cet homme.  Je ne voyais plus que lui.  Et sa nuque nue, courbée.  Et ses paupières closes.

La colère montait en moi, je m’en voulais terriblement, je me sentais impuissante, et je réalisais que cette mascarade de fête me blessait.

Ce mendiant que je fixais me blessait.

Il m’avait ouvert les yeux sur lui et ses semblables.  Sur la vie telle qu’elle est.

De retour à la maison, j’ai pris le temps de prier sur tout cela : la paix m’est revenue, mais je sais que dorénavant, je ne saurai plus porter le même regard autour de moi.  Ce mendiant, je pourrai dire que je l’ai vu mille fois dans ma vie sans m’arrêter, sans réaliser qu’il était là.

Ce matin, je l’ai vu, enfin, et ce fut une baffe dans ma gueule.

Mon mari rentrera ce soir ; je lui ferai part de ce choc : de notre vie - on ne roule pas sur l’or, certes, mais on s’en sort même si les fins de mois sont difficiles et que nous devons être attentifs – de notre vie donc, et de celles des autres ; du monde qui nous entoure ; de toutes ces autres bulles auxquels nous n’avons pas accès ou que nous ne voulons pas voir.

Je lui dirai que notre famille se porte bien maintenant, que notre couple est devenu solide, que le pire est derrière nous, et que j’ai éprouvé cette prise de conscience mêlée à un grand désir : celle d'ouvrir notre famille aux autres.

Je ne songe pas aux périodes de fêtes ou à quelque chose de ponctuel, je ne sais pas d’ailleurs à quoi je songe, à rien encore, mais je désire ardemment que l’amour que nous portons en soi - ce brasier ardent – et qui se distille entre nous, puisse désormais tendre vers l’altérité.

Savina.


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