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Un employé modèle / Paul Cleave

Par Bibliomanu
Un employé modèle / Paul CleaveC'est l'overdose. L'Overdose, plutôt, avec une belle majuscule. Le thriller a ses modes, celle du tueur en série pour lequel on voudrait nous faire éprouver de l'empathie en est une. C'est parfois réussi, pas toujours, loin s'en faut. Thomas Harris a ouvert la voie avec Hannibal Lecter, et certains ont vite fait de s'engouffrer dans la brèche au vu de son succès. Vous me direz, d'autres ont fait pareil en éclaboussant leurs pages de templiers détenteurs de secrets (sa)christiques ou en faisant bourgeonner des magiciens à tout bout de champs. On ne va pas y revenir, c'est comme ça et ce n'est certainement pas un super-héros qui va y super-changer super-grand chose. Faudrait voir à pas trop s'y croire non plus.
Sauf qu'à un moment donné, à force, il faut que ça sorte. Ça fait du bien. Après je passerai à autre chose, parce que là, je le vois bien, c'est la troisième fois en peu de temps que je viens faire part de déceptions de lecture. Si ça continue, je vais finir par croire que je ne sais plus lire ou qu'à force de tout décortiquer, j'ai oublié le goût des couleuvres qu'un auteur aurait pu me faire avaler sans même que je m'en rende compte.
Le problème avec Un employé modèle ainsi qu'avec pas mal d'autres thrillers qui nous servent un tueur en série sur un plateau, c'est que les auteurs ont tendance à confondre inventivité et originalité – ce serait ballot de faire comme les autres, hein – avec surenchère. Surenchère de glauque, de violence, de gore, de complexité des personnages. Si vous voulez, c'est un peu comme s'il fallait jouer à celui qui dégoûtera le plus son lecteur, qui le mettra le plus mal à l'aise, quitte pour cela à employer les grands moyens. Comme par exemple d'écrire le récit d'un meurtrier à la première personne et de nous faire assister, à travers son prisme à lui, à un premier crime, puis à d'autres. Pas question pour moi d'être bégueule. Ça aurait pu fonctionner. Mais là trop, c'est trop, et pas forcément dans l'horreur non plus. Parce qu'au final la vraie surenchère de pas mal de ces bouquins, c'est celle du ridicule. Voyez plutôt : dans ce livre de Paul Cleave, le boucher de Christchurch fait gonfler à lui tout seul les statistiques de voitures volés, qu'il remplit de cadavres sans aucun, mais alors aucun souci. A ce rythme là, on a l'impression qu'il s'entraîne à un contre-la-montre pour la prochaine olympiade de tueurs en série ; rajoutez à ceci qu'en suivant les méandres de sa pensée on a l'impression d'avoir ouvert le Manuel de psychologie élémentaire des détraqués pour les nuls, qu'à un moment de l'histoire – ne m'en voulez pas trop si je vous dévoile certains éléments clés de cette intrigue trépidante – manque de pot, il sort un soir en ville et voilà-t-y pas que la fille qu'il avait prévu de tuer se révèle elle-même une tueuse dont la psychologie est – ô miracle – comparable à la sienne ; et je ne pourrai terminer sans parler de l'évitable mais apparemment incontournable triturage de chair fraîchement offerte, et vas-y que je m'en lèche les doigts au passage.
Et après on voudrait nous faire éprouver de l'empathie pour un tel personnage sous un prétexte quelconque que, je l'avoue, j'ai bien du mal à déterminer. Prendre connaissance de la folie d'un monstre qui n'en reste pas moins un homme ? Comprendre ses mécanismes dans une société débordée par ses excès ? Je n'ai rien vu de tout cela. Je n'ai en fait retenu qu'une espèce de banalisation gratuite de la violence, et du crime par extension. Preuve suprême que le ridicule tue... même sur le papier.
Un employé modèle, Paul Cleave, traduit de l'anglais (Nouvelle-Zélande), Sonatine, 421 p.

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