Ignoré des palmarès marocains, What a Wonderful World de Faouzi Bensaïdi a raflé les deux plus prestigieuses récompenses au Festival du Film d’Alexandrie en Egypte, à savoir le Grand Prix et le Prix de la meilleure mise en scène. Bensaïdi est aujourd’hui le réalisateur marocain le plus connu à l’étranger, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis.
Cela faisait longtemps que l'on attendait un prix pour What a Wonderful World. C'est chose faite puisqu'il vient d'être doublement récompensé par le Grand Prix et le Prix de la Mise en Scène au Festival d'Alexandrie. Il est le second marocain, après Mohammed Asli et son chef d’œuvre A Casablanca les anges ne volent pas, à remporter le trophée égyptien. Un plébiscite qui survient après une longue tournée dans les festivals nationaux et internationaux, dont la Mostra de Venise. Le réalisateur meknessi est également un des seuls cinéastes marocains à bénéficier d’une sortie sur les écrans européens, et pas seulement français. Il s’est également fait un nom outre Atlantique, en s’imposant comme représentant du Maroc lors du Festival CinemaEast de New York et du Festival du Film Arabe de Los Angeles.
WWW, oeuvre urbaine et moderne
Voilà de quoi réconforter un Faouzi Bensaïdi boudé par les palmarès des festivals marocains, dont le Festival de Marrakech en 2006 et le récent Festival National du Film. Sans doute son film est-il inclassable, et de la sorte déroutant. Dépassant la seule réalité marocaine, il touche l’universel et surtout dégage une incroyable puissance poétique.
Bensaïdi nous offre une histoire d'amour qui nous rappelle Le
Samouraï de Melville avec un clin d'oeil à In The Mood For Love de Won Kar Waï. Des scènes d'actions qui ont la beauté de celles
de Kitano
(Sonatine), le rythme et la mélancolie d'un Jim Jarmush dans Ghost Dog, et un arrière goût de Johnny To (Full Time Killer, The Mission). Autant de comparaisons qui montrent à
quel point Bensaïdi est un des auteurs marquants de son temps. Mais si WWW nous fait penser autant de grands films, il est aussi et avant tout l'œuvre profondément originale d'un auteur
marocain qui regarde son époque. Et c'est à toutes ces qualités qu'ont fait écho les prix décernés par le festival égyptien et les multiples sélections dans les festivals internationaux.
Perfection visuelle
Très différent de Mille Mois, le premier film du réalisateur, avec lequel il partage pourtant le même souci de perfection visuelle, WWW est une intrigue urbaine et moderne. C’est la magnifique histoire d'amour de Kamel, un homme piégé dans la toile du World Wide Web. Kamel est tueur à gage. Il vit à Casablanca et reçoit ses contrats par Internet. Ses contacts sociaux se limitent à de brèves rencontres avec Souad, une prostituée. Pourtant, un jour il tombe amoureux d'une femme, ou plutôt d'une voix. Celle de Kenza, la colocataire de Souad, qui lui répond habituellement au téléphone. Kenza est flic et règle la circulation dans un grand rond point de la ville. A partir de là, ils ne vont cesser de se croiser, ne se parlant qu'aux téléphone et en français. Kamel, l'étranger à lui-même, sort petit à petit de son monde virtuel et laisse les sentiments le gagner. C'est alors que sur le Web, Hicham, un hacker, le déniche et infiltre ses contacts.
Deux cinémas marocains ?
Si les deux prix d'Alexandrie sont les premiers glanés par What a Wonderful World, Faouzi Bensaïdi est par contre un habitué des récompenses prestigieuses. Il avait été primé à la Mostra
de Venise en 2000 pour son court métrage Le Mur. Par la suite, son premier long métrage Mille Mois avait remporté plusieurs Prix dont celui du Premier Regard à Cannes en 2003, le Premier Prix du Festival du Cinéma
Africain de Milan, le Grand Prix du Festival de Damas et le Prix Spécial du Jury
du Festival de Namur. Il reste maintenant aux Marocains à reconnaître à Bensaïdi la place qu’il mérite dans la récente Histoire de notre cinéma national. Hélas, WWW vient d’essuyer un
nouveau revers national en étant ignoré par le jury du Festival National le 27 octobre dernier, tout comme la plupart des œuvres de la nouvelle vague marocaine. Serait-ce le signe d’une scission
du cinéma marocain autour de deux générations de plus en plus distinctes?
En attedant la reconnaissance de ses paires, Bensaïdi prépare un spectacle, une comédie musicale dont la sortie est prévue pour ce mois de novembre. Quant
à nous à Safi, nous espérons le voir pour les prochaines Journées Cinématographiques
de Safi.
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