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Etienne Ethaire : "Alissia Lone".

Par Manus

Etienne Ethaire :

                                                         photo du site start5g.ovg.net

Si sur ce blog Etienne Ethaire, écrivain belge, eut l’occasion d’apparaître (ici) avec le roman « La langoureuse », par son second roman « Alissia Lone », éd. Le Somnambule équivoque, 2004 que je vous présenterai, l’auteur confirme désormais son talent.

Le credo de cette maison d’édition : « A priori sont aimés les tons incisifs, secs, crus, les phrases qui vont à l’essentiel, ni courbes, ni circonvolutions, mais une ligne droite vers un but qui ne doit pas être explicitement mentionné » , correspond à la perfection à Etienne Ethaire, qui, probablement, intègre cette écurie comme une greffe réussie chez un grand brûlé.

Etienne Ethaire, c’est l’auteur à la première personne au féminin, c’est l’homme revêtant l’épiderme X, c’est l’homme, enfin, usant de ses seins et de sa vulve comme si son esprit lui-même avait changé de corps : il est femme.

« Je suis Alissia Lone, emmurée, comme frappée d’obscurité » …

Etienne Ethaire n’est plus ; Alissia Lone vit en lui.

Speakerine pour une chaîne télévisée, reine de l’audimat, Alissia éprouve le besoin de casser la routine en allant séjourner quelque temps à Port-Aden.  Dans une crique déserte : son pavillon.  Ce soir, une ballade le long des va-et-vient de la mer, puis trois hommes, ivres, qui agiront avec la même cadence en elle.

Numéro 1 ;  Numéro 2 ;  Numéro 3 ; ils s’appliqueront à la pénétrer de force, blagueront entre-eux, alors qu’un autre s’enfoncera en elle ; alors qu’Alissia Lone, ouvrira les yeux vers le firmament, et puisera sa force dans les étoiles.

« Ils sont donc trois, et je subis les assauts du premier, le plus baraqué.  Un exemple de macho dégoûtant.  Un physique de catcheur : les pognes rocailleuses, le débardeur mettant en exergue le torse velu, le genre fier-à-bras, fier-à-couilles.  Il bave.(…) »

Les moindres parcelles du corps d’Alissia Lone sont balayées à la loupe, chaque détail, jusqu’à la contraction de sa vulve face aux coups de reins de l’homme, sont exposés.  Un corps s’exprime lorsque les mots sont bloqués dans les entrailles.  Femme entravée, elle ne pouvait expulser sa révolte, sa rage et son impuissance ; seuls les sensations sur ses seins, les mains poisseuses sur son ventre, les brûlures vaginales, traduisaient, à mesure de la violence physique subie, la déchirure de son âme.

« Finalement, numéro 2 se décide.  Moins baraqué d’épaules que son camarade, mais nettement plus large du lance-torpilles.  Il n’y a plus guère de combat, un éclaireur à déjà ouvert le passage.  L’intromission se fait en une fraction de seconde, la barrière de poils transpercée, la fine peau rose brûlée rouge vive.  C’est pire qu’une agression, c’est une effraction du corps. (…) »

Un cri dans la nuit traversa ce roman du commencement à la fin.  Cri du corps proposé par l’auteur, qui, en s’infiltrant dans les détails les plus infimes de la femme, l’amène à être elle : un être à part entière.

C’est glauque.  C’est insoutenable.  Révulsant.  Abject.  Et l’auteur semble se complaire à jeter en pâture les détails croustillant du viol.

En parallèle, pourtant, les pensées d’Alissia Lone nous parviennent : femme au bord du gouffre se raccrochant du bout des ongles, le cœur en sang, l’âme détruite, à la vie.

En parallèle, encore, ces hommes absents de toute considération envers la speakerine, dénués d’empathie et soumis à leurs pulsions sexuelles amplifiées par l’alcool.

Capable de porter la femme à bras le corps, Etienne Ethaire use d’une telle altérité que la moindre souffrance physique ou morale sera inscrite dans sa chair.

Un roman, enfin, qui par son écoute infinie de l’être féminin, révèle par ce biais, le respect et l’amour de la femme.

Etienne Ethaire, non seulement grave un indéniable talent dans la pierre, mais par ce second roman, permettra au lecteur de le considérer comme un homme dont la grandeur atteindra l’ultime à  mesure de sa capacité à comprendre la femme.

Savina de Jamblinne.


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