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La photographie en famille (Sudre)

Publié le 03 décembre 2010 par Marc Lenot

ajp-sudre-diamantine-1963-musee-niepce-detail-2.1291306622.jpg ajp-sudre-diamantine-1963-musee-niepce.1291306649.jpgOn connaît des familles de peintres, quelques couples de photographes (Robert Capa et Gerda Taro, Martine Franck et Henri Cartier-Bresson), mais je ne connais pas d’autre exemple d’une famille entière de photographes : père, mère, fils, bru et gendre, les cinq Sudre (plus la fille, cheville ouvrière) sont présentés (jusqu’au 30 décembre) au Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun. Jean-Pierre Sudre, le patriarche, est le plus connu (aussi parce qu’il fut un grand enseignant des techniques photographiques) : d’abord photographe de natures mortes, il commence vers 1960 à créer des photographies abstraites à partir de cristaux obtenus sur une plaque de verre. Mettant la plaque de verre dans son agrandisseur, il tente d’y trouver des formes qui se révèlent, qui émergent de la matière cristalline. Expérimentateur inlassable, technicien obsessionnel et perfectionniste, il compose ainsi des paysages aléatoires, oniriques, fantasmatiques, où il inclut parfois un morceau de gravure, un dessin, un photogramme de plante ou d’insecte. C’est une photographie différente, rarement vue, proche de la matière et du médium, et en même temps empreinte de mysticisme et d’animisme. Ces premières compositions, en 1963, “Diamantine”, sont ici exposées sous forme d’un triptyque noir où émergent et explosent des formes amibiennes, éclatantes (détail à gauche).

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Jean-Pierre Sudre travaille ensuite sur des “Matériographies” (1978), qui montrent la substance intime d’une matière minérale, géométrisée, à partir de laquelle il crée des symétries énigmatiques. 

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Plus tard, il intègre plantes et animaux dans ces compositions, ambassadeurs du monde vivant au sein de cet univers minéral, (”Insecte”, 1979) ou bien compose des architectures symphoniques sur une plaque d’or (à droite).

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A la fin de sa vie, ce sont des paysages “imaginaires planétaires” (1992) qu’il compose, faisant planer une lune extraite d’une gravure astronomique au-dessus de ces paysages minéraux.

C’est une photographie hors du commun, sans antécédents et sans postérité que nous voyons là, une photographie aux antipodes de la représentation du réel, une photographie de la photographie.

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Les autres membres de la famille sont plus classiques. Son épouse, Claudine, toujours en vie, a été une tireuse hors pair, en particulier des grands photographes du XIXème siècle, de Le Sercq, de Nadar, d’Atget et de tant d’autres. Ses Nadar sont parfaits, sans défauts, soigneusement retouchés, le contraire de ceux montrés à Tours récemment où, au contraire,
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on prenait plaisir à voir aussi la dégradation du médium et les formes étranges qui en résultaient. Elle fut aussi une passionnée de technique et d’expérimentation : en voici pour preuve un de ses carnets d’expériences, présenté dans l’exposition.

Son fils Dominique Sudre, photographe de paysages, joue aussi avec les techniques anciennes et les distorsions de l’image (”Reflets”, 2006).

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Sa belle-fille, Laurence Sudre, est une portraitiste de talent. Voici un souvenir lointain, le charme subtil de Camille de Casabianca, la planche contact et le
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tirage sélectionné.

Et voici, toujours de Laurence Sudre, un extraordinaire portrait de Joseph Beuys interpellant la photographe, image si pleine de force et d’énergie.

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Enfin, Jean Bernard, époux de Fanny Sudre, photographe de monuments antiques et de réserves de musées (1989) auxquelles il insuffle une vie cachée.

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Certes, il faut aller jusqu’à Issoudun, mais ça mérite le voyage; on pouvait aussi y voir à hauteur d’homme, avant leur réinstallation dans l’église Saint-Cyr, les vitraux de la légende de Sainte Julitte et de Saint Cyr, et on peut toujours voir dans ce musée deux arbres de Jessé sculptés, une collection unique de rhombes de Papouasie, gravés de motifs géométriques sacrés, le salon-boudoir de Leonor Fini, une collection de gravures de Cécile Reims et Fred Deux, et cet extraordinaire Saint Roch d’Alfred Courmes.

Full disclosure : voyage à l’invitation du Musée d’Issoudun.

Photos JP Sudre 1, 2, 3 & 5, photos du cahier de Claudine Sudre et de la planche contact de Laurence Sudre, de l’auteur. Autres photos courtoisie du Service de presse du Musée. Alfred Courmes étant représenté par l’ADAGP, la photo de son tableau sera ôtée du blog au bout d’un mois.


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