Ouverture sur une grande et riche famille milanaise entourée du patriarche, trois générations de Recchi autour du repas, un paysage de carte postale, gris, enneigé. Grandeur et froideur. Guadagnino joue une intense partition viscontienne, pose immédiatement le décor figé de ce tableau familial, filme toutes ces figures comme autant de pantins inhibés, invisibles, indifférents, derrière leurs rôles à jouer. Au milieu d’Edoardo (Gabriele Ferzetti), de Tancredi (Pippo Delbono) ou d’Elisabetta (Alba Rohrwaher), il y a Emma. Ou la grande Tilda Swinton à l’œuvre, fantôme de femme, cloisonnée, étouffée, perdue. Dans un crescendo émotionnel, qui trouve son apothéose dans un orgasme féminin notable ( !), le cinéaste redécouvre, au côté d’un personnage féminin, et, d’une actrice, le plaisir et les sens. Pour saisir toute l’étendue de ce nouvel éveil, il convoque toute une armée de symboles et l’imagerie incontournable qui va avec : la nature en foison, les couleurs démultipliées, les sons qui deviennent musiques, les cœurs qui palpitent, les papilles qui s’agitent. La raison de tout cela ? Antonio (Edoardo Gabbriellini), cuisinier, objet de tous les désirs d’Emma, catalyseur d’un vent de révolte, sexuel, charnel, passionnel. On assiste alors à la (re)naissance d’un corps de femme, tressaillement après tressaillement, bouffée d’air après bouffée d’air, une Tilda Swinton au corps de marbre qui s’embrase sous nos yeux. Guadagnino, lui, la filme en nouvelle Lady Chatterley, au plus près d’elle, de ses folies, de sa remise en question, et insuffle à sa mise en scène le même souffle insensé qui arrache et enflamme les cœurs. Comme dans une tragédie grecque, grandeur nature. Avec emphase, passion, sans pudeur, démesuré et déraisonné.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble