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Peter “Sleazy” Christopherson

Publié le 04 décembre 2010 par Hartzine

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C’était vendredi dernier, soit il y a une semaine jour pour jour. Comme à l’habitude, je me réveille et navigue tranquillement sur la toile afin de dépecer les actualités turpides du reste du monde. Pourtant, rien ne me préparait à ce que je m’apprêtai à lire dans les colonnes de tous les blogs et réseaux d’informations virtuels à ce moment précis. Alors que la veille, j’enserrais ma belle, m’endormant paisiblement au creux de ses bras, l’artiste anglais Peter Martin Christopherson s’engourdissait seul, sans aucun espoir de réveil. Six ans après son ami, compagnon, amant, John Balance, celui que l’on appelait simplement « Sleazy » jouait sa dernière musique dans le noir, laissant derrière lui un héritage indiscutable dont le legs résulte d’expérimentations menées depuis le milieu des années 70.

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Avant de mener la carrière de musicien qu’on lui connaît, Peter Christopherson vivait de son talent de designer et de réalisateur. Il avait d’ailleurs intégré la non moins prestigieuse agence Hipgnosis, se rendant responsable de nombreuses pochettes d’albums, et notamment celle de Pink Floyd. Il fait alors plus tard la rencontre d’un collectif d’artistes performeurs appelé Coum Transmissions. Impressionné par le travail à la fois sauvage et décalé de Christopherson à qui il va donner le surnom de « Sleazy », le crew ne tarde pas à le rallier à son rang. Christopherson se lie immédiatement d’amitié avec un autre membre, Genesis P-Orridge, avec qui il voit en la naissance du punk le moyen de pousser encore plus loin ses expérimentations. Accompagné d’autres membres de Coum Transmissions, le duo met sur pied le groupe le plus agressif et irrévérencieux que l’Angleterre ait jamais connu. Throbbing Gristle choque tout un pays jusqu’ici ancré dans la pop, et marque l’ouverture vers ce que l’on appellera plus tard la musique industrielle. Et si la place de Christopherson n’est pas encore réellement celle d’un musicien, elle sera pour beaucoup dans l’image du groupe. Sleazy manipulant les bandes audio et vidéo, recrachant au public d’immondes atrocités, appuyant les paroles scabreuses et hideuses de Genesis P-Orridge. Si la presse de l’époque fustigea les travaux de Throbbing Gristle, l’apport du groupe à la musique en général est encore palpable aujourd’hui. Cependant, l’histoire nous a appris que l’escalade des excès n’a jamais apporté la stabilité. Las des extravagances et de la pression apposées par Genesis P-Orridge, Throbbing Gristle met fin à sa carrière au printemps 1981.

C’est à cette époque que Peter Christopherson rencontre le musicien et chanteur John Balance. Contacté par son comparse Genesis P-Orridge pour rejoindre les rangs de Psychic TV au côté d’Alex Fergusson, celui-ci accepte à la condition que Balance les accompagne. PTV peut donc être mis sur les rails. Mais encore une fois des mésententes se font rapidement sentir. P-Orridge impose des conditions de travail qui ne correspondent pas aux attentes de Balance et Christopherson, et tire sur lui-même tout le leadership, jusqu’à en devenir complètement mégalo. Fin 1984, les deux comparses préfèrent quitter discrètement le navire.

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Parallèlement développé par John Balance depuis 1983, Coil prend son envol lorsque Sleazy le rejoint l’année suivante à plein temps.  Les deux artistes à la fois complémentaires et indépendants réinventent au sein de Coil les bases de la musique expérimentale et industrielle. Alors que leur premier opus, Scatology, fait l’apologie de nos maux et préfigure l’enfer vécu par les victimes du sida, How to Destroy Angels se définit comme une référence sexuelle liée aux connexions spirituelles, technologiques et environnementales… Qui dit mieux ? Leur musique ne cessera d’évoluer au fur et mesure des albums prenant des tournants par moment surprenants, sonnant tantôt bruitiste, parfois dark-folk, usant d’instruments barbares et de synthés dysfonctionnels qui les classeront très rapidement comme artistes fondamentaux de la scène industrielle. Certains albums sont à marquer d’une pierre rouge comme les excellents Scatology, Horse Rotorvator, The Angelic Conversation, ou bien encore la très fameuse bande originale d’Hellraiser. Coil aura une influence prédominante sur un nombre incalculable de musiciens, dont Nine Inch Nails, pour lequel ils effectueront plusieurs remixes. Le décès de John Balance le 13 novembre 2004 mettra un terme définitif à la carrière très prolifique du groupe qui compte aujourd’hui plus d’une quarantaine d’albums.
Durant cette très féconde période, Peter Christopherson exercera à plusieurs reprises ses talents de cinéastes, réalisant de nombreux clips pour des artistes comme Ministry, Front 242, Rage Against the Machine, Erasure et bien sûr NIN. Fin 2004, il participe à la réunion de Throbbing Gristle, et lance en 2005 un nouveau projet intitulé The Threshold HouseBoys Choir. On peut discerner à travers ce projet solo de Mr Sleazy l’envie de pousser plus loin une aventure commencée avec Coil près de vingt ans auparavant. Mais c’est avec un sentiment de frustration que nous devons dire adieu à ce génie de l’avant-garde, le sentiment amer de perdre un artiste au talent immense qui n’en avait pas fini de nous livrer tous ses secrets. Et on l’imagine aujourd’hui assez aisément, assis quelque part entre le Paradis et l’Enfer, se délectant de quelques conversations angéliques.

Audio

Throbbing Gristle - Still Walking
Psychic TV - just drifting (for caresse)
Coil - At The Heart Of It All
Coil - Slur
The Threshold HouseBoys Choir - Part Two - ‘Intimations of Spring’

Vidéo


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