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VENUS NOIRE d’Abdellatif Kechiche

Par Celine_diane
VENUS NOIRE d’Abdellatif Kechiche
La frénésie de Kechiche est familière. Après l’ouragan sensoriel provoqué par son chef d’œuvre La Graine et le mulet, on n’attendait pas moins de fougue et de violence, pas moins d’intelligence dans cette façon singulière d’anéantir le temps, d’étirer la séquence, de sucer l’énergie d’une scène jusqu’à la moelle, jusqu’à l’épuiser, elle, et le spectateur. Dans cette Vénus Noire, œuvre choc et dérangeante qui revient sur le destin tragique de Saartjie Baartman, jeune femme noire issue du peuple Khoïkhoï, livrée aux moqueries et à la haine des regards d’un début de 19ème siècle raciste et qui finira en statue moulée à l’Académie Royale de Médecine, Kechiche fait preuve d’une cruauté harassante. Son film tout entier est un doigt accusateur pointé à la face de tous, une punition à subir, à vivre, à digérer, dans une absolue noirceur et un déchaînement d’agressivité, maîtrisé, travaillé, hautement désagréable. Rien n’est passé sous silence pour saisir l’horreur et les maltraitances vécues par la jeune femme : de l’humiliation dans les bas-fonds londoniens où, en esclave freak, elle est sujette à la curiosité des badauds, à la domination d’un odieux Afrikaaner et à la sauvagerie des railleries- jusqu’à son utilisation abjecte, en objet sexuel, au cœur d’une Europe inhumaine qui considérait certains peuples comme inférieurs. Le cinéaste, en presque trois heures de temps, suit la torture, mentale et physique, subie par Saartjie Baartman (Yahima Torres, saisissante) ne ménageant ni n’épargnant personne dans un dispositif répétitif et éreintant, qui brutalise, qui brusque ; sadisme assumé pour mieux capter la souffrance et l’entière atrocité de ce dont il parle. En cela, Kechiche parvient à son but premier (choquer, interpeller, bousculer), la forme épousant le fond : barbare, sévère, dure. Son film, dense et rebutant, est une épreuve à passer, transe ininterrompue et bestiale où brimades et sévices emplissent l’écran, une course interminable vers la répulsion et l’effroi qui essore et laisse sur le carreau. Cette manière toute extrémiste et grandement incommode d’accuser et de dénoncer n’a (forcément) rien d’aimable ni de séduisant, mais elle a le mérite- dans sa gradation antipathique- de venir se poser en contraste honnête aux tièdes variations sur le même thème, indécemment mesurées. Une sorte d’anti Man to man de Wargnier en puissance.
VENUS NOIRE d’Abdellatif Kechiche

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