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L’enquête de Philippe Claudel

Par Ngiroux

L’enquête de Philippe Claudel L’Enquêteur était un homme de petite taille, un peu rond, aux cheveux rares.  Tout chez lui était banal, du vêtement à l’expression, et si quelqu’un avait eu à le décrire, dans le cadre d’un roman par exemple, d’une procédure criminelle ou d’un témoignage, il aurait eu sans doute beaucoup de difficulté.

 À sa descente du train, une gare comme des milliers d’autres. Un panneau publicitaire affichait une photographie démesurément agrandie d’un vieillard qui fixait celui qui le regardait d’un œil amusé et mélancolique, le Fondateur.  Aucune voiture, aucun piéton, on l’avait oublié.  L’Enquêteur après de longues, interminables heures de marche vers l’Entreprise, pensa à une ambassade fortifiée dans des pays de guerre, mais l’Entreprise n’était pas une ambassade, et le pays n’était pas en guerre. Un trottoir bordé d’une palissade d’une hauteur de trois mètres renforça chez lui le sentiment d’être devenu une espèce de rongeur pris dans un piège démesuré. Ce paysage monotone et contraignant acheva de le déboussoler et il continua à avancer avec la très curieuse impression d’être surveillé par une créature invisible, placée quelque part, très haut au-dessus de lui, et qui se gaussait de son misérable malheur.

L’idée de rentrer chez lui par le premier train devint insistante, mais comment expliquer au Chef de service son retour prématuré avant même que l’enquête ait débuté.  Qu’il avait erré des heures dans la ville par un temps de chien ? Que l’hôtel lui paraissait étrange ? Non, valait mieux être patient. «J’ai une enquête à mener.  Des êtres sont morts.  Des hommes et des femmes se sont suicidés.  J’ai besoin de savoir pourquoi en si peu de temps, au sein de la même entreprise, au sein de l’Entreprise des gens ont été à ce point désespérés ont préféré en finir.» L’enquêteur n’apercevait aucune porte de sortie.  Il ne savait fichtrement pas comment s’échapper de cet univers forcément faux, totalement onirique et qui n’était en rien la vie.  Un long cauchemar d’une réalité certes diaboliquement compliqué, raffiné et tortueux, mais un cauchemar tout de même !

Claudel récidive avec cette Enquête, cet Enquêteur, avec un propos envoûtant, déstabilisant, provocant, oppressant, irréel, des teintes d’Huxley, d’Orwell, une ponctuation omniprésente, quasi excessive martèle son rythme, un sujet surréaliste. Un regard sur un présent, un futur, notre futur ? Définitivement un incontournable, un Claudel comme je l’aime.



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