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WikiLeaks : la stratégie électorale de Gbagbo selon Washington

Publié le 11 décembre 2010 par Africahit

À l’été 2009, l’ambassade des États-Unis à Abidjan livrait sa vision de la stratégie de Laurent Gbagbo pour l’élection présidentielle ivoirienne dans un télégramme publié par WikiLeaks, le 9 novembre. Une analyse qui éclaire la défaite, constatée dans les urnes, du président sortant.

Comment Laurent Gbagbo peut-il espérer remporter la présidentielle ? Cette question, qui hantait le président ivoirien depuis 2005, fait l’objet d’une communication entre l’ambassade des États-Unis à Abidjan et Washington, le 2 juillet 2009.

Dans un télégramme intitulé « Les élections en Côte d’Ivoire : le mythe et la réalité », l’ambassadrice américaine en Côte d’Ivoire d’alors, Wanda Nesbitt, fait le point sur la situation électorale et détaille la stratégie de Laurent Gbagbo pour arriver à ses fins.

Tentative d’alliance avec Ouattara

« Le FPI [Front populaire ivoirien, parti présidentiel, NDLR], arrive invariablement à la troisième place [probablement en terme d’effectifs, NDLR] » et « est toujours associé à un groupe ethnique minoritaire [les bétés] » , assure-t-elle. « Pour gagner une élection présidentielle, le FPI a besoin de s’allier avec l’un des deux plus grands partis » :  le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, d’Henri Konan Bédié) ou le Rassemblement des républicains (RDR, d’Alassane Ouattara).

Problème : ces deux partis sont restés « remarquablement unis » contre Laurent Gbagbo au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, la coalition d’opposition), note-t-elle.

Du coup, selon « des sources fiables» de l’ambassade, Laurent Gbagbo essaie, « au moins depuis 2007 » de passer un accord avec Alassane Ouattara, le président du RDR « mais n’a pas réussi ». Une semaine avant l’envoi du télégramme, la diplomate a reçu une nouvelle confirmation de l’échec de cette tentative d’accord.

Diviser le PDCI

Conséquence : Laurent Gbagbo s’emploie alors à diviser le PDCI. Il aurait aidé à « financer et soutenir l’ancien Premier ministre Charles [Konan] Banny dans sa tentative pour remplacer l’ancien président vieillissant Henri Konan Bédié » à la tête du parti, assure-t-elle.

Nouvel échec pour Laurent Gbagbo ? Pas tout à fait, suggère l’ambassadeur. « Que Banny y parvienne ou non n’est pas important du point de vue du FPI, juge-t-elle, du moment que les luttes internes incitent un certain pourcentage des électeurs du PDCI à aller ailleurs. »

Finalement, le report des voix du PDCI vers Alassane Ouattara au second tour s’est révélé plutôt bon. Assez, en tout cas, pour que celui-ci obtienne la majorité, le 28 novembre dernier, selon les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI) certifiés par l’ONU.

D’après le télégramme, un duel entre Gbagbo et Ouattara était envisagé et même souhaité par le camp présidentiel dès l’été 2009, malgré ce que laissaient entendre ses slogans lors du premier tour. « Gbagbo a récemment dit à une bonne source qu’il voulait affronter Alassane Ouattara au second tour [personne n’attend un vainqueur au premier] parce qu’il [Gbagbo] croit que les groupes ethniques qui supportent traditionnellement le PDCI voteront pour le FPI plutôt que pour le leader du RDR qui a des liens avec la rébellion. »

« Être sûr de gagner »

Concernant la date de la présidentielle, alors prévue pour le 29 novembre 2009.

« Les observateurs familiers du dossier ne croient pas que le président Gbagbo (qui se délecte du rôle de Grand Chef) prendra le risque de perdre le prestige et la célébrité » de l’hôte du cinquantenaire de l’indépendance ivoirienne (7 août 2010). Cela reporte donc le scrutin à la deuxième moitié de l’année 2010.

Cependant, « rester au pouvoir sans un nouveau mandat deviendra plus difficile à justifier après 2010 » même si « les bénéfices financiers du statu quo sont bien sûr une considération primordiale, pas seulement pour le FPI mais [aussi] pour des individus comme le Premier ministre Soro »,  juge-t-elle.

Plus largement, croit-elle savoir, « il n’y aura pas d’élection à moins que le président Gbagbo ne soit sûr de gagner - et il n’est pour l’instant pas sûr de son issue ». Ici réside, sans doute, l’une des clés de l’attitude du président sortant depuis la tenue du scrutin.


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