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Philip Roth, La bête qui meurt

Par Alain Bagnoud
Philip Roth, La bête qui meurtIl y a parfois quelque chose d'un peu agaçant chez Philip Roth. L'obsession du sexe, par exemple. Et toujours quelque chose de totalement désespéré dans cette monomanie. Le fait que le sexe soit, comme il le dit dans La bête qui meurt, une revanche, la seule peut-être qui existe. C'est Kepesh, le héros, qui parle. Voici un extrait du long monologue qu'il nous adresse: « C'est seulement quand tu baises que tu prends ta revanche, ne serait-ce qu'un instant, sur tout ce que tu détestes et qui te tient en échec dans la vie. C'est là que tu es le plus purement vivant, le plus purement toi-même. Ce n'est pas le sexe qui corrompt l'homme, c'est tout le reste. Le sexe ne se borne pas à une friction, à un plaisir épidermique. C'est aussi une revanche sur la mort. »
David Kepesh, vous vous souvenez ? Un des héros récurrents (et des doubles) de Roth, l'autre étant David Zuckermann, romancier. Le Kepesh de Professeur de désir ou du sein (un thème de transformation inspiré de la Métamorphose de Kafka, mais une métamorphose comique). 
David Kepesh, lui, est professeur et critique culturel à la télévision. Ça lui donne une aura et un peu de célébrité. Il en profite pour baiser une élève par année. Pas de sentiments ni d'attachement. Rien que du sexe. Il a tout sacrifié à son désir de cul. Son mariage, son fils qui le déteste.
Lorsqu'il a 62 ans, c'est le tour d'une Consuela de 24 ans, une émigrée cubaine qu'il séduit en lui montrant son manuscrit de Kafka et avec sa petite danse de séduction habituelle : il l'emmène au théâtre, il l'étourdit de sa culture, il l'admire comme une œuvre d'art. Elle a surtout des seins Philip Rothmagnifiques. Donc, cravate de notaire. Et d'autres scènes plus crues que je ne saurais résumer dans ce blog décent, par exemple quand, à genoux devant elle, il lèche le sang des menstrues qui coulent sur les cuisses de la jeune femme.
Elle le quitte après une année et demie et il sombre dans la dépression. Il a fait l'erreur de s'attacher. On vieillit, n'est-ce pas ? Puis elle le recontacte, huit ans après. Elle a un cancer du sein, elle va être mutilée. Est-ce qu'il ira la rejoindre quand même ? C'est tout le dilemme. Passer de l'égoïsme jeune de l'admiration du corps à la vieillesse de l'attachement à un être.
On ne connaît pas sa décision. Ça s'arrête sur cette question. Un roman assez court par rapport aux habitudes de Roth, mais dérangeant, irritant, provocateur et fort.
Philip Roth, La bête qui meurt, Gallimard

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