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Émouvant portrait (raisons d’un périple en Roumanie)

Par Borokoff

A propos de Le voyage du directeur des ressources humaines d’Eran Riklis 4 out of 5 stars

Émouvant portrait (raisons d’un périple en Roumanie)

A Jérusalem, le directeur des ressources humaines d’une boulangerie apprend trois semaines seulement après sa mort qu’une de ses employées a été tuée dans un attentat suicide. Mais le scandale a eu le temps de parvenir aux oreilles d’un journal très lu qui en a fait ses choux gras et ne s’est pas gêné pour monter l’affaire en épingle, pointant du doigt l’indifférence voire l’inhumanité de la boulangerie qui reporte lâchement la faute sur son DRH. Or la jeune femme qui a été tuée est roumaine et vivait seule. Et le journal d’écrire que la seule possibilité de redorer leur image pour la boulangerie, c’est de payer le retour du cercueil en Roumanie. Et pour le DRH, de l’accompagner…

Voilà un film atypique, qui oscille entre plusieurs genres, mélange différents tons sans en adopter un vraiment. Volontairement. C’est qui gêne ou déroute au début du film avant de peu à peu faire le charme de Le voyage du directeur des ressources humaines.

C’est le portrait d’un type moyen. Un Directeur des ressources humaines qui déteste son boulot, qui est un peu las de tout. Un quadragénaire coincé, empêtré dans des problèmes sans fin. Sa femme avec qui il est divorcé l’accuse de tous les maux et l’inonde de reproches, sa fille elle-même semble déçue par l’attitude de son père dans la mauvaise gestion du cadavre de la Roumaine à rapatrier, etc…

Pour le DRH à bout, son voyage loufoque en Roumanie va le réveiller en même temps que le révéler peu à peu à lui-même. Comme s’il avait vécu une bonne partie de sa vie en léthargie ou à côté de ses pompes. Oscillant entre la comédie grotesque et le drame, Le voyage du directeur des ressources humaines est vraiment une bonne surprise. Parce qu’il évite beaucoup de pièges dont celui de la comédie délirante mais lourdingue. Un film qui trouve son alchimie dans le dosage subtil des genres et le jeu du fils de la défunte (très bon Noah Silver) et de son acteur principal (Mark Ivanir). Un DRH dont l’évolution et la mue émeuvent et fascinent. Les personnages secondaires (le consule, le conducteur de bus, le journaliste) sont plus stéréotypés, trop proches des comédies de Kusturica.

Le film décontenance au début. On a du mal à cerner ses enjeux. Il est question à la fois d’un DRH en dépression, d’attentats suicides en Israël en même temps qu’Eran Riklis (le réalisateur de Les citronniers) critique de manière sous-jacente le pathos et la démagogie avec lesquels les journalistes traitent le sujet de cette femme roumaine à rapatrier. Alors, on est un peu perdu. On craint une certaine confusion ou au contraire de savoir trop bien dans quelle direction le film va partir. Soit une énième comédie au ton kusturicien et qui se situerait en plus dans les Balkans.

La suite contredit en partie cette affirmation. Pourtant, l’épisode où le DRH se retrouve forcé de se rendre à 1 000 km de Bucarest pour authentifier le corps auprès de la grand-mère faisait craindre le pire. Que le film multiplie les péripéties de manière un peu laborieuse et provoque l’ennui. Il n’en est rien. Parce que le loufoque et le dramatique ramènent toujours Le voyage du directeur des ressources humaines au cœur de son sujet principal. Le portrait d’un homme fatigué de tout et qui aimerait changer sa vie. L’action passe toujours par le regard du DRH.

Et ce qu’il va vivre en Roumanie, la douleur et la tristesse du fils de la défunte, le deuil d’une famille, la pauvreté des gens, la rudesse du climat et des paysages, tout cela va peu à peu le réveiller, le transformer, et surtout le faire sortir de lui-même, lui qui est un profond individualiste tournant en rond sur lui-même dans une petite existence monotone et triste.

Et Riklis évite un certain nombre de pièges, dont celui du pathos ou de la comédie loufoque mais trop décousue. Toujours, il revient à son sujet principal, la renaissance d’un homme touché par le deuil d’un gosse de 14 ans qui pourrait être le sien. C’est subtil, bien dosé, et un portrait bien émouvant et sobre au final.

www.youtube.com/watch?v=K24YnqLjCpY


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