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Les hommes-couleurs

Publié le 19 décembre 2010 par Lorraine De Chezlo
LES HOMMES-COULEURSde Cloé Korman
Roman - 315 pages
Editions du Seuil - janvier 2010
Prix du livre Inter 2010
Au Mexique, la Pullman entreprend un chantier de pipeline vers les Etats-Unis. Georges et Florence Bernache sont tous les deux employés de la multinationale et y occupent des postes décisionnels. Malgré eux, les travaux n'avancent pas comme prévu, ou plutôt laissent place à un imprévu : les ouvriers, des tâcherons qui viennent par milliers et qu'on ne revoit pas, creusent un immense souterrain pour relier la ville de Minas Blancas aux Etats-Unis. Au lieu du pétrole, ce sont surtout des migrants qui passent, sous le regard laxiste et bienveillant des Bernache. Un jour de malheur, leur fils adoptif, Niño, aux airs de Dieu aztèque, disparaît.
C'est très compliqué de parler de ce livre ; c'est assez peu aisé de le lire, surtout les cent premières pages. L'écriture est belle, soignée, mais l'histoire demande beaucoup de concentration, car elle mêle réalisme et fantasmagorie. On s'éloigne parfois du tangible pour aller vers l'absurde, l'irréel et le mythe. Mais pourtant, il y a toujours eu un je-ne-sais-quoi pour m'éviter d'abandonner cette lecture. L'envie de saisir le sens de l'allégorie, de la métaphore humaniste que représente ce roman. Est-ce chose faite ? Je n'en suis pas certaine.
Extrait :
"Tu crois que dix millions d'êtres humains sont visibles à l'oeil nu ? Le voyage qui ramène Georges et Florence à Minas Blancas traverse les sentiers innombrables de l'immigration, sans pourtant que la foule et lesbruits ne leur parviennent. A dos de désert on ne voit rien du paysage. Il est nu, aussi lisse et brillant qu'un silex - si on se penche et le ramasse il ne dira rien du foyer qu'il a engendré ou de la bête qu'il a saignée, il se taira comme un autre caillou. De même l'humanité traverse ce désert sans laisser aucun témoignage évident, et ce n'est que par exception au régime du silence qu'elle vient parler devant un tribunal - car la peur vit sans bruit."

Il y a cette histoire de ce couple qui est devenu attachante à mes yeux à partir de la disparition de Niño, et il y a en parallèle, l'enquête de Josh et les souvenirs de Gris, des décennies plus tard. Alors il faut parfois s'accrocher pour ne pas perdre le fil. Pour ma part, les recherches de Josh m'ont souvent incitée à lire en diagonale.
Un premier roman très ambitieux, par une jeune auteure qui possède assurément un grand talent d'écriture. Il y a beaucoup de poésie dans sa langue, des phrases atypiques, funambules, brillantes. Et puis il y a aussi l'universalisme, la fresque humaniste qui se dresse en filigrane, ces mélanges fortuits d'hommes venus d'horizons différents, ces langues et ces couleurs qui se mélangent, et qui continueront inexorablement de se mélanger, envers et contre tout, car rien ne peut stopper ce souterrain, rien ne stoppe l'hémorragie, la désertion de ce désert brûlant, et la fuite des enfants des Bernache, Niño d'abord, puis Suzanne, par amour...
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Site officiel du livre L'avis de Christine M.-B. - Médiapart

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