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Partie 2 : Relecture sociologique du mythe du Vampire (1/2)

Publié le 20 décembre 2010 par Acdehaenne

Tout d'abord, mes plus plates excuses pour cet petit retard !

Introduction

Comme j’ai tâché de le montrer dans mon précédent article, même les plus marginaux, ou solitaires, vivent au contact d’autres, plus ou moins proches d’eux, créant plus ou moins de liens. Les groupes sociaux déviants de la norme sociale perçue comme commune et admise (re)créent et mettent en scène des codes qui les organisent et qui leur permettent de s’auto définir comme membre de la société. Le rapport aux autres, à la société, et le rapport à soi, sont interconnectés. En effet, de (très) nombreux travaux notamment sociologiques le montrent depuis maintenant des décennies, la société est un cadre normatif dans lequel des mécanismes sociaux sont mis en scènes. Ces normes sociales incluent et excluent, favorisent et limitent, un certain nombre de comportements en société.

Fantasy au Petit-Déjeuner
Les individus construisent de manière dynamique ces mécanismes. Dans l'interaction, ils distribuent des rôles et des opportunités auprès des membres du groupe. La distribution des rôles et des ressources est inégalitaie. En effet, il existe une quantité phénoménale de rapport de dominations entre groupes sociaux et entre individus. Je passe pour l’instant. Disons simplement que l’âge, autant que le statut social, le sexe, son parcours propre, sa place dans le groupe de pairs etc., sont des dimensions créant des rapports de domination. En sociologie, certains nomment ceci la différenciation sociale, ou la stratification. Pour formaliser cette distribution dans l'espace public, les individus mettent en scène ces rôles dans des productions socioculturelles. Même si je n'affectionne que moyennement les généralisations, disons que toutes les sociétés ont produit, et continuent de le faire, des discours visant à interpréter le monde qui les entoure et à fixer des modèles de rapports sociaux. Les dieux greco-romains, les religions, l'Iliade et L'Odyssée d'Homère, le Xijou-Ji de Wu Cheng-en et j'en passe, sont des exemples de telles productions.

Bon, j’imagine que certains lecteurs/trices commencent à trouver le temps long. Je n’ai toujours pas parlé de vampires, d’êtres de la nuit, du trop beau Edward, de sa trop belle histoire avec l’autre brune aux yeux asymétriques, ni même de Lestat et encore moins Dracula. Tout est normal. Le but avoué de cet article n’est pas de faire un historique du personnage du vampire (même si on mettra en évidence des points récurrents bien sûr) ni de prêcher un mode de vie un brin racoleur, pour rester poli. De la manière la plus concise possible, j’essaierai de vous montrer en quoi le mythe du vampire, comme n’importe quel autre mythe, a une fonction sociale définie. En effet,  comme les apports de Claude Levi-Strauss le montrent, le mythe est autant téléologique, ludique et pédagogique.

Le mythe du vampire :

Ce qui est dit habituellement, une description rapide

L’ambition de cet article n’est pas de proposer un historique détaillé du mythe, et encore moins de me lancer dans une interprétation de l’origine des vampires. Le mythe est ici un prétexte à un exposé sur le rôle du mythe en tant que production culturelle, peut être ancienne, mais lue par des contemporains. Je postule que notre lecture du mythe du vampire au XXIème est radicalement différente de celle qu’en faisaient les serbes du XVIIIème. Il n’empêche qu’il s’agit là d’un mythe tout désigné de la Culture Mauvais Genre. Je ne ferai pas non plus d’historique des vampires réels ou supposés tels (Erzebet Bathory, Peter Kürten, Vlad Tepes etc.). Je n’y vois pas bien l’intérêt et qui plus est, il existe suffisamment de choses dessus.

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Le Vampire, en tant que créature mort-vivante de mauvais augure, apparait dans les Balkans au XVIIIème siècle. Peu à peu, le mythe se répandra en Europe Occidental. Les pays asiatiques, et notamment la Chine, possèdent également un mythe très similaire. Le vampire était alors une conséquence d’un mauvais traitement sanitaire du défunt. Si un rite précis n’était pas respecté, ou si la cause de la mort n’était pas objectivement identifiée, les conséquences à venir pouvaient être funestes. Le XVIIIème siècle était encore une période marquée par les guerres, les maladies, la famine et par des techniques médicales rudimentaires, à fortiori dans des campagnes reculées. Dans le même temps les croyances religieuses, surtout en Europe, étaient le modèle d’interprétation du monde qui dominait. Le Vampire était donc un personnage de mauvais augure, conséquence des insuffisances des humains, et incompatible avec les religions monothéistes.

Ce n’est que plus tard que le vampire va aborder un visage plus romantique. Le Dracula de Bram Stocker en est l’exemple qui a traversé les siècles. Mais il ne faut pas oublier Maupassant (Le Horla) ou Sheridan Le Fanu (Carmilla) parmi tant d’autres. Le XIXème siècle a pour le moins été prolifique. Le vampire portera alors davantage l’image du déviant, tel que je l’ai exposé dans la première partie de cet article. Membre de la société, mais en marge, il vit selon des codes précis, qu’il a besoin d’acquérir auprès de pairs (ou auprès de l’image qu’il se fait de son rôle). Encore plus proche de nous, Anne Rice a très bien développé cet aspect de « communautés de vampires » à l’intérieur desquels, lorsque le vampire en a la « chance », la créature se trouve en situation d’apprentissage des rôles et du comportement attendus par ses pairs. Encore plus récent, comme l'a montré mon collège A.C, le cinéma s'est aussi emparé du mythe. Nous pouvons également y ajouter les séries TV.

En effet, au fil du temps et de la rationalisation des sociétés, le mythe du

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vampire a perdu de sa portée téléologique. L’interprétation du monde et des conséquences de nos actes ne se font plus nécessairement par les religions ou par ce qui est communément appelé le folklore. Au contraire, depuis le XIXème, la lecture du mythe du vampire peut être considirée comme une lecture de l’émancipation ; celle d’une société qui faitsai la part belle à l’aliénation, supposée ou réelle, de l’individu (le XIX siècle en Europe est aussi le siècle des révolutions industrielles et de la montée de l’industrialisation du travail). C’est aussi à cette époque que certains représentants des sciences sociales marquent le début des transformations de la famille et du mariage. Je n’entre pas dans ce débat, pourtant passionnant : cela mériterait un vrai développement. J'indiquerai cependant à la fin de la deuxième partie de l'article, une bibliographie succinte.

Dans la suite de cet article, j’identifierai deux dimensions du mythe du vampire : le genre (féminin/masculin) et les rapports de dominations. J’interrogerai le rôle « émancipateur » du mythe en me concentrant sur les différentes formes des rapports de domination. Enfin, je proposerai ma propre interprétation du mythe, du point de vue contemporain.

(A suivre)


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