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Faites le mur de Banksy

Publié le 27 décembre 2010 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

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 Une des oeuvres de Banksy, sur le mur qui sépare Israël de la Palestine.

 

Je vais le dire tout de suite comme ça ce sera fait : Pour moi ce docu. est un fake.

 Thierry Guetta est un fake. Une sorte de personnage créé de toutes pièces pour remplir sa mission. Mission qui aboutit avec la réalisation de ce documentaire.

Après en avoir parlé avec quelques uns de mon entourage je suis sidérée d'avoir entendu par deux fois : "Attends mais je suis allée voir sur le net, il a son propre site donc il existe forcément en vrai". 

 Punaise. Je blogue donc je suis. Descartes peut aller se rhabiller.  Désormais celui qui existe sur la toile existe nécessairement dans la réalité. Mais où va t'on mes amis, où court-on?

Le film "Faites le mur" a été annoncé comme un documentaire sur Banksy, cet artiste du Street Art qui est jusque là resté invisible (à moins que...m'enfin j'y reviens plus loin) et qui est une vraie star dans son domaine. Moi jusque là je savais peu de choses sur lui et le peu dont j'avais eu connaissance me suffisait pour tout dire.

Le street art, j'y ai toujours été sensible (il n'y a qu'à jeter un oeil à la bannière du blog pour s'en rendre compte d'ailleurs). Cette idée que les artistes se réapproprient les espaces d'expression que sont les surfaces urbaines qui sont par ailleurs richement exploitées à des fins commerciales (je déplore comme tout le monde l'abondance des affichages publicitaires qui envahit de plus en plus notre quotidien) me plait beaucoup.

L'idée qu'au quotidien, gratuitement, certains artistes aient pris le parti de désenclaver l'art moderne de son carcan hype pour le mettre à la disposition de tous et qu'au détour d'une rue, alors que rien n'était prévu, la confrontation avec une oeuvre amène le badaud à s'interroger ne serait ce qu'un instant sur le monde qui l'entoure ou sa propre existence, je trouve ça simplement merveilleux.

D'ailleurs, quand l'art sous toutes ses formes descend dans la rue, je trouve qu'il en ressort grandi. D'où mon attrait pour le concept de Florent et ses attentats musicaux qui prévoient de faire jouer des musiciens dans des endroits inattendus devant une assemblée absolument pas prévenue... Il peut en naître des moments d'une grâce inouïe et même s'ils sont rares, ils sont d'une intensité qui bouleverse.

Banksy, donc, a débuté son travail dans la rue, en toute illégalité, installant partout des oeuvres temporaires puisqu'illicites et donc vouées à être effacées dans des délais plus ou moins brefs. Puis sa renommée grandissante a conduit les municipalités à protéger ses oeuvres et il s'est même vu proposer des expositions. L'homme a d'ailleurs exposé au musée de Bristol, sa ville d'origine. Il a souhaité que l'entrée reste libre et là je salue une fois encore la démarche qui s'inscrit dans une idée de partage absolu sans condition de ressource, comme l'était son art au départ. Geste remarquable.  D'ailleurs l'expo a fait un tabac. Tant mieux.

A travers le film de Banksy, on découvre donc un peu de son parcours mais c'est finalement celui de Thierry Guetta, français expatrié aux States qui est relaté. Et on peut dire qu'il en prend pour son grade le Frenchy. Grosso modo et sans vouloir spoiler "Faites le mur" il s'agit d'un portrait qui débouche sur l'idée que l'art peut connaitre le succès même s'il est vidé de son sens et qu'un incapable qui débarque de nulle part peut se faire une place au soleil parmi les artistes renommés en un rien de temps pourvu qu'il ait un minimum de sens du marketing et un petit pécule de départ assez conséquent. Je caricature un peu mais le propos du film me semble aussi caricatural alors je me dis que j'ai peut être le droit de suivre la tendance.

La vraie question que je me pose est celle-ci : Est ce que Mr Brainwash (l'artiste qu'est Thierry Guetta) n'est pas carrément un personnage fabriqué de toutes pièces par Banksy afin de démontrer par A+B (en s'appuyant sur un exemple concret et une démarche on ne peut plus didactique) que l'art aujourd'hui peut  être attaché à une forme de vacuité vertigineuse?

En fait, ça me rappelle directement le film d'Alan Parker "La vie de David Gale" que je vous invite à visionner si vous n'en avez jamais entendu parler. On y retrouve la même idée qu'on n'arrive jamais mieux à ses fins qu'en effectuant une démonstration "in vivo" et que la question de la vérité n'est finalement que secondaire quand on s'est fixé pour objectif de faire bouger les consciences. (Attention je linke la bande annonce mais elle est trompeuse. Ce film mérite VRAIMENT le détour. Il fait réfléchir).

Certains vont jusqu'à avancer que Thierry Guetta n'est autre que Banksy lui même (à noter que dans cette interview publiée sur le point.fr, Thierry Guetta atteint le paroxysme du ridicule en s'exprimant dans un franglais qui n'est pas sans rappeler JCVD et qui ne fait que renforcer mon avis sur le fait qu'il s'agit d'un fake. Qui, tourné ainsi en ridicule dans un film, continuerait de se prononcer de cette façon sur son parcours, renchérissant encore dans la bêtise?). Mais au fond on s'en moque un peu je crois...

"Faites le mur" m'apparait comme une oeuvre de maturité, une sorte de regard en arrière porté par l'artiste sur son propre parcours. Car l'air de rien c'est tout de même l'histoire du Street Art que l'on est invité à découvrir avec ce film. Mais c'est aussi une critique acerbe sur les dérives du combo communication/marketing qui a infiltré le monde de l'art et qui peut du jour au lendemain faire d'un pseudo-raté un artiste reconnu (mais par qui? Telle est la question) qui vend ses oeuvres à prix d'or. Banksy montre ici qu'on peut aisément détourner un mouvement artistique underground et populaire à des fins mercantiles.

A noter d'ailleurs que le titre original Exit throw  the gift shop me semble beaucoup plus fidèle au propos de Banksy que le titre français. Faites le mur résonne comme un appel à la subversion alors que le titre original insiste davantage sur la dérive vénale qui frappe la société actuelle.

J'ai reçu à travers ces images et leur montage le témoignage d'un artiste qui porte un regard objectif sur sa réussite et l'enthousiasme qu'il a suscité en masse. Qui au fond n'est pas dupe de tout ce qui lui est arrivé. Franchement corrosif, le film laisse songeur. Banksy a réussi avec ce documentaire ce qu'il avait fait avec ses oeuvres dans le Street Art : Amener celui qui ne s'y attendait pas à une réflexion profonde. Le conduire par surprise à exercer son esprit critique.

Bravo pour la pirouette.

Et chapeau l'artiste.


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